Leader nord-américain des produits industriels en bois traité sous pression, Stella-Jones a largement profité, de juillet 2020 à juin 2021, de l’engouement des propriétaires résidentiels pour les travaux de rénovation, malgré la hausse fulgurante des prix du bois traité. Si l’effervescence des rénos a maintenant fait place à un retour à la normale, le fabricant montréalais table sur la prochaine vague de travaux d’infrastructures pour maintenir bien garni son carnet de commandes. Rencontre avec son PDG, Éric Vachon.

Vous êtes devenu PDG de Stella-Jones il y a exactement deux ans en remplacement de Brian McManus, qui a présidé à l’essor important de l’entreprise dans le marché nord-américain. Comment s’est faite la transition ?

On avait un plan de succession bien établi et j’étais prêt à prendre la relève parce que cela fait près de 15 ans que je suis chez Stella-Jones. J’ai débuté en 2007 en devenant vice-président finances de notre division américaine qui venait tout juste d’être mise sur pied, et je suis devenu chef de la direction financière par la suite. J’ai participé activement à toutes les acquisitions que l’on a faites depuis.

Quand j’ai débuté, on réalisait un chiffre d’affaires de 300 millions, alors que l’an dernier on a franchi la marque des 2,5 milliards et qu’on devrait terminer l’année en cours avec des revenus de 2,7 ou 2,8 milliards.

Les deux dernières années ont été un peu folles. La pandémie et le confinement ont amené les gens à rénover comme jamais et cela vous a tenu passablement occupé. Comment avez-vous réussi à gérer cet engouement inattendu ?

Il y a eu deux évènements. D’abord, l’engouement des gens pour la rénovation, qui les a poussés à vouloir installer de nouvelles clôtures, des patios, des terrasses en bois traité… Ensuite, la hausse des prix, qui a débuté en juillet 2020 pour se terminer en juin dernier.

On est passé d’un prix de 500 $ le mille pieds mesure de planche à 2000 $. Cela a fait tripler le coût de nos inventaires, mais les volumes étaient tellement importants qu’on a haussé de façon conséquente nos ventes et nos profits.

Habituellement, le bois traité résidentiel représente 20 % de nos revenus totaux. Cette année, cette proportion est passée à 25 %. Sauf que l’on s’attendait à ce que les prix se maintiennent jusqu’à l’automne, mais ils sont revenus à la moyenne de 500 $ le mille pieds-planche en juin.

On a donc revu un peu à la baisse nos cibles de bénéfice d’exploitation, de 480 millions à 440 millions, ce qui est quand même plus élevé que l’année précédente.

Historiquement, vous étiez un producteur de poteaux de services publics et de traverses de chemin de fer. À partir de quand la fabrication de bois traité résidentiel est-elle devenue une activité importante ?

On a commencé cette activité au début des années 2000. Au départ, on le faisait pour des quantités déterminées dans nos usines pour certains clients. Puis, Home Depot nous a demandé d’être son fournisseur et en 2015, on a fait l’acquisition d’une usine spécialisée en Ontario qui nous a ouvert le marché des chaînes de détaillants.

Votre activité principale reste la fabrication de poteaux et de traverses de chemin de fer ?

Oui, tout à fait. On a un réseau de 40 usines en Amérique du Nord et il y en a 20 qui fabriquent des poteaux de services publics, 11 qui fabriquent des traverses de chemin de fer et 9 qui traitent le bois résidentiel.

On retire 80 % de nos revenus du secteur des infrastructures et 20 % du secteur résidentiel. Nos usines canadiennes desservent le marché canadien et nos usines américaines, celui des États-Unis. Il n’y a pas de transfert de production d’un pays à l’autre.

Le gouvernement Biden va mettre en branle un vaste programme de plusieurs centaines de milliards de dollars pour la modernisation des infrastructures aux États-Unis. Est-ce que Stella-Jones va en profiter ?

Seulement dans le secteur du rail ; 90 % des traverses de chemin de fer que nous fabriquons servent à des travaux de maintenance, à la mise à niveau des infrastructures existantes. On enregistre une croissance annuelle équivalente à l’inflation.

Mais là, on s’attend à des investissements de l’ordre de 50 à 60 milliards dans la construction de nouveaux chemins de fer aux États-Unis. C’est un très gros potentiel.

Dans le marché des poteaux de services publics, la croissance annuelle est de l’ordre de 6 à 9 %. Il se fait beaucoup de remplacement parce que la durée de vie moyenne d’un poteau électrique ou de téléphone est de 65 ans.

Avec l’implantation de l’internet dans les zones rurales, on ajoute des charges sur les poteaux avec notamment de la fibre optique, et il y a une volonté claire d’augmenter les capacités. Là aussi, il y a de la croissance en vue.

Votre matière première, c’est le bois et des arbres que l’on doit abattre. Comment gérez-vous votre empreinte environnementale ?

On participe à la séquestration de carbone puisque l’on prolonge de 10 ou 20 ans la vie de l’arbre que l’on coupe pour faire un poteau ou des traverses de chemin de fer. Nos poteaux qui sont traités ont une durée de vie de 65 ans, soit le temps nécessaire pour que la forêt puisse en produire un nouveau.

Les pins qui ont une taille suffisante pour la fabrication de poteaux, qui peut atteindre jusqu’à 120 pieds de haut, représentent environ de 5 à 10 % d’une forêt en Amérique du Nord.

Stella-Jones avait l’habitude à réaliser une ou deux acquisitions par année, mais l’entreprise est restée discrète depuis deux ans. Pourquoi ?

D’abord, parce que l’on a passablement consolidé le marché dans le secteur des traverses de chemin de fer. Dans le marché des poteaux, il y a encore du potentiel pour ajouter 300 millions de dollars de revenus grâce à des acquisitions.

On connaît tous les acteurs dans le marché, c’est un petit monde où il y a plusieurs entreprises familiales, et on se parle.

Une autre façon de générer de la croissance est d’augmenter nos capacités de traitement en modifiant nos équipements. Nous prévoyons donc investir aussi dans notre réseau d’usines.