Un entrepreneur d’ici annoncera ce mardi une transaction avec le géant asiatique Delta Electronics pour l’aider à faire cheminer son projet québécois d’usine de production de cellules lithium-ion pour les batteries de véhicules électriques, projet évalué entre 200 et 300 millions de dollars.

L’entente avec Delta, dont la valeur n’est pas divulguée, permet à StromVolt d’obtenir les droits sur la technologie et l’expertise taiwanaises développées notamment pour des systèmes de stockage d’énergie de bâtiments verts et de centrales d’énergie renouvelable.

Le chiffre d’affaires de Delta Electronics, société inscrite à la Bourse de Taiwan, s’élève à environ 10 milliards US.

« Le montant de l’entente avec Delta est modeste compte tenu de sa valeur stratégique », commente Maxime Vidricaire, chef d’entreprise de StromVolt.

L’entrepreneur de 31 ans doit révéler l’accord ce mardi durant la conférence virtuelle EV/VÉ 2021, de Mobilité électrique Canada, présentée par Hydro-Québec.

En voulant construire au Québec la première usine de fabrication de cellules lithium-ion au pays, Maxime Vidricaire présente StromVolt comme le chaînon manquant de la chaîne d’approvisionnement locale de l’industrie.

PHOTO FOURNIE PAR STROMVOLT

Maxime Vidricaire

« Actuellement, nous transportons nos minerais en Asie pour qu’ils soient transformés en cellules de lithium. La fabrication de cellules est complexe et pose des défis technologiques. Aucune firme nord-américaine ne possède le savoir-faire pour envisager un tel projet », dit-il.

C’est une occasion unique pour le Québec de construire ses propres cellules. Ça va donner un avantage aux producteurs de véhicules électriques locaux.

Maxime Vidricaire

Il entend cibler tous les clients potentiels d’ici tels Nova Bus, Lion, Taiga, BRP et, éventuellement, des clients de l’extérieur du Québec et du Canada. « On veut offrir une alternative québécoise aux entreprises pour renforcer leurs accords d’approvisionnement ou remplacer entièrement leurs sources étrangères. »

Ces entreprises savent que le gouvernement tient des discussions pour faire venir des celluliers, dit-il. « Elles ne savent toutefois pas lequel va réussir à franchir la ligne d’arrivée. Il semble qu’on sera le premier et le seul canadien. »

« Beaucoup de joueurs nous parlent du même projet », commente le PDG du constructeur montréalais de véhicules récréatifs 100 % électriques Taiga, Samuel Bruneau. « La baisse du prix des cellules est essentielle, et son coût est principalement lié à de grands volumes de production », ajoute-t-il.

Pourparlers

Au ministère canadien de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, le porte-parole affirme ne pas être en mesure de formuler de commentaires pour des raisons de confidentialité, alors qu’Investissement Québec indique avoir pour politique de ne pas discuter des pourparlers que la direction tient ou pourrait avoir avec des promoteurs de projets, le cas échéant.

La plus grande menace qui risque de ralentir les constructeurs de véhicules électriques est l’approvisionnement en cellules, dit Maxime Vidricaire.

« Tout le monde se garroche pour acheter des cellules produites par les entreprises chinoises, coréennes et taïwanaises. L’Asie a de l’avance depuis longtemps dans ce marché. C’est une grande course, et on veut s’assurer que les sociétés québécoises et canadiennes ne soient pas désavantagées », dit-il.

On s’aligne vers une pénurie de cellules dans les prochaines années. Toute la planète essaie d’atteindre des objectifs agressifs en matière d’électrification des transports. La demande sera très difficile à satisfaire. Si on parvient à sécuriser cet aspect, on aura un énorme avantage.

Maxime Vidricaire

L’emplacement de l’usine de StromVolt au Québec reste à déterminer. « C’est sujet à des négociations avec des investisseurs et les gouvernements », dit Maxime Vidricaire.

« Le premier bâtiment sera seulement la première phase. On voudra ajouter de la capacité au fur et à mesure que les joueurs québécois accélèrent leur croissance. On veut s’installer près de sources d’expertise parce que cette usine aura aussi un centre de R & D. On veut pouvoir attirer des scientifiques pour raffiner la technologie davantage. »

Maxime Vidricaire souhaite que le gouvernement soit partenaire. « Pour le format, on verra ce qui est disponible. D’autres entreprises dans le secteur ont reçu un appui. C’est un projet stratégique pour la province. » Il évalue la construction complète entre 200 et 300 millions avec la machinerie et les installations jusqu’au commencement de la production.

« Il s’agit de chiffres inférieurs à ce qu’on voit pour d’autres projets. Une approche ciblée avec une capacité pour satisfaire la demande actuelle est plus appropriée afin de s’assurer qu’on produit exactement ce dont le marché québécois a besoin. En ce moment, dit-il, il n’y a même pas un gigawatt de demande dans le marché québécois pour des cellules. Quand j’entends parler de projets de 35 gigawatts, c’est pour extraire le minerai le plus vite possible, le transformer en cellules et vendre à l’étranger. »

Il vise au départ une usine de 400 000 pieds carrés de quelque 300 employés (scientifiques, ingénieurs et techniciens) d’une capacité initiale de 250 mégawatts – un quart de gigawatt –, ce qui permettrait d’alimenter l’équivalent de 1000 à 2500 camions ou autobus par année.

S’il parvient à obtenir les appuis nécessaires, la construction pourrait débuter dès 2022 et l’usine pourrait être opérationnelle avant la fin de 2023. « C’est très rapide, mais possible en raison de l’expertise apportée par Delta et de l’équipement spécialisé qu’ils vont nous vendre », dit-il.

« L’important est que ça se fasse ici. Le Québec veut devenir une puissance dans l’industrie des batteries. Il y a tous les minerais qu’il faut (lithium, nickel, cobalt, graphite, etc.). Les astres sont alignés. »

Qui est Maxime Vidricaire

Âgé de 31 ans, le natif d’Ottawa est un ancien étudiant de l’Université McGill qui a fondé en 2016 l’entreprise Stromcore, un fabricant de modules et de « pack batteries » pour chariots élévateurs utilisés notamment dans des centres de distribution. Principal actionnaire de Stromcore, il a installé cette entreprise à Mississauga, en Ontario. Il entend faire de Stromcore le client de lancement de StromVolt. Le chiffre d’affaires de Stromcore est de 20 millions et il est appelé à doubler l’an prochain, dit-il. Cette entreprise importe présentement ses cellules de Taiwan chez Delta Electronics.