Comme bon nombre de ses quelque 1800 ex-collègues québécois, Stéphane Ladouceur est toujours marqué par la fermeture subite d’Aveos, en mars 2012. Presque une décennie plus tard, il espère que les anciens travailleurs auront finalement gain de cause dans leur combat judiciaire contre Air Canada, qui entre dans ses derniers rounds à compter de ce lundi.

« Je l’ai appris à la radio alors que j’étais presque rendu », relate le quinquagénaire au cours d’une entrevue avec La Presse en revenant sur la journée où il a appris qu’il perdait son gagne-pain. « Je suis passé par un moment difficile, comme tout le monde. Ça a pesé lourd sur de nombreuses familles, dont la mienne. »

Au palais de justice de Montréal, le procès s’amorcera, lundi, dans le cadre de l’action collective intentée par les anciens employés d’Aveos contre le transporteur aérien. En mai 2018, la Cour supérieure du Québec avait accepté d’entendre la cause.

Le transporteur pourrait avoir des dizaines de millions à débourser si les plaignants l’emportent.

Je me suis retrouvé dans le trouble financièrement [après la fermeture soudaine]. Je suis passé par toute la gamme des émotions. Ça ferait un petit baume si on sortait vainqueurs.

Stéphane Ladouceur, ancien travailleur d’Aveos

Après l’ouverture du procès, ce sont surtout d’anciens employés qui devraient être entendus. Néanmoins, dans le cadre des audiences qui doivent se dérouler jusqu’au 26 octobre, le président et chef de la direction d’Air Canada Michael Rousseau, autrefois administrateur chez Aveos, sera entendu. Son prédécesseur Calin Rovinescu doit également être interrogé.

Déposée au nom d’un ancien travailleur, l’action collective allègue qu’Air Canada n’a pas respecté la loi fédérale qui l’obligeait à maintenir les centres d’entretien à Montréal, Winnipeg et Mississauga. Au moment de mettre la clé sous la porte, en 2012, Aveos comptait environ 2600 salariés.

Le libellé de la loi fédérale avait été modifié par le gouvernement Trudeau en 2016 afin d’offrir davantage de souplesse à la plus importante compagnie aérienne du pays. Les plaignants font valoir qu’entre 2012 et 2016, en dépit de la disparition d’Aveos, l’entreprise ne respectait pas ses obligations.

Selon les plaignants, Air Canada aurait également agi de mauvaise foi, notamment en provoquant volontairement la débâcle d’Aveos. Cela pourrait ouvrir la voie à des dommages punitifs. Air Canada avait retiré des contrats à Aveos, qui était autrefois l’une de ses divisions. C’est ce qui a mené à la fermeture.

Le cabinet Trudel Johnston Lespérance, qui représente les ex-travailleurs avec Jean-François Bertrand, estimait, en 2018, que le dédommagement, en cas de victoire, pourrait se chiffrer à « plus de 100 millions ».

« Il y a eu plusieurs étapes médiatisées dans ce dossier et elles n’ont pas toujours été agréables, affirme M. Ladouceur. C’était du va-et-vient. Mais au moins, notre cause a continué d’avancer. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Manifestation d’anciens employés d’Aveos, à Québec, en mars 2012

Au Québec, le procureur général avait également intenté un recours judiciaire contre Air Canada en 2012 et avait eu gain de cause en Cour supérieure ainsi que devant la Cour d’appel. Le plus haut tribunal du pays devait étudier le dossier, mais la compagnie avait abandonné sa demande d’appel.

Cette décision était survenue dans la foulée de l’achat de 45 C Series de Bombardier – modèle qui appartient désormais à Airbus – afin de contribuer à la survie du programme. Cette commande avait fait l’objet de 12 annulations en novembre 2020.

En février 2020, la Cour fédérale avait donné le feu vert à une entente qui avait permis aux anciens travailleurs d’Aveos de se partager 1,9 million. Un règlement était intervenu quelques mois plus tôt afin de régler un litige entourant des salaires et des indemnités.

2017

Année du dépôt de la demande d’action collective visant Air Canada au nom des anciens travailleurs d’Aveos