La Caisse de dépôt a décidé d’en faire plus pour lutter contre les changements climatiques, sans sacrifier le rendement de ses déposants. Elle dit ainsi adieu au pétrole, mais pas au gaz. Son président-directeur général, Charles Émond, répond à nos questions.

Q. Avez-vous mesuré l’impact que l’élimination du pétrole et la nouvelle stratégie climatique auront sur vos rendements ?

R. Il n’y a pas de compromis sur les rendements. Ça vient porter nos rendements davantage, et ça vient dérisquer une partie du portefeuille. On ne fait pas juste ça pour se donner bonne conscience. Regardez ce qui a porté nos résultats dans le dernier semestre, c’est le renouvelable, et de loin. On le fait parce que ça se traduit en dollars. Ça revient toujours à notre mandat de générer des rendements pour nos déposants.

Q. Les actifs verts et ESG sont très recherchés par les investisseurs partout dans le monde et vous dites vous-même qu’ils sont devenus très chers. La Caisse veut augmenter considérablement ses investissements verts. Risque-t-elle de payer trop cher et d’avoir un impact sur son rendement avec sa stratégie climatique ?

R. Je vous rassure tout de suite. On décline énormément d’investissements dans le renouvelable parce qu’ils sont trop chers. Ce qui est payant, c’est d’en construire de nouveaux, avec des opérateurs reconnus. Pas d’acheter des actifs existants. Il faut être intelligents et ne pas avoir la fièvre verte. Il faut le faire aux bons endroits. La Caisse a accès à de grandes transactions et dans certains cas, notre taille joue à notre avantage.

Q. Vous considérez le gaz naturel comme une énergie de transition, dont le monde aura besoin encore longtemps. Est-ce que ça veut dire que vous mettrez de l’argent dans l’augmentation de la production et la construction de gazoducs ?

R. On va regarder avec nos différentes entreprises. On n’aura pas le choix. Quand on enlève le charbon et le pétrole, il reste le gaz. Le gaz peut être verdi. C’est la seule solution de rechange et on en a pour un bout de temps. Sans ça, on jette l’économie à terre. C’est aussi simple que ça. Un nouveau gazoduc ? Ce n’est pas impossible, mais on regarderait plusieurs critères avant de financer un projet comme ça. Des projets comme GNL Québec, il n’y a pas vraiment d’intérêt pour nous, à cause du niveau de risque ; on aime mieux des infrastructures existantes.

Q. Vous affirmez avoir des cibles plus ambitieuses que celles de vos pairs. Pourtant, Teachers, la caisse de retraite des enseignants de l’Ontario, a des objectifs encore plus élevés en matière de réduction de l’intensité carbone de son portefeuille, soit 67 % contre 60 % pour vous.

R. Le - 67 % de Teachers, il faut le comparer pomme à pomme. La réduction de l’intensité du portefeuille est un pilier, elle n’a pas les trois autres piliers qu’on a [dans notre stratégie].

Le but, ce n’est pas de commencer à se comparer. Je suis fier qu’un pair canadien lève la barre et on l’applaudit. C’est vrai, Teachers a une belle ambition, mais elle part de plus loin que nous.

Q. Il y a quelques jours à peine, la Caisse a investi 2 milliards dans une autoroute en Australie. Est-ce qu’elle peut à la fois sortir du pétrole et investir dans une infrastructure qui en vit ?

R. On se pose exactement ces questions-là. On crée des autoroutes pour qu’elles servent aussi aux transports en commun, comme solutions à la congestion.

Des autoroutes, on va en avoir besoin malgré tout. Sur 10 ans, on regarde ce qui va se passer sur l’autoroute et ça va évoluer. Il y a le véhicule électrique, le véhicule autonome. Les autoroutes font partie de notre portefeuille d’infrastructures qui sont plus intenses en émissions.