Commentaires à caractère sexuel, discussions au sujet de la vie sexuelle, envoi de matériel sexuellement explicite, exhibition de parties du corps, attouchements non désirés… Une étude de Statistique Canada, réalisée en majorité avant la pandémie et dévoilée jeudi, montre que les gestes déplacés et les agressions sexuelles en milieu de travail sont encore présents, même à l’ère #metoo.

25 %

C’est le pourcentage des femmes qui disent avoir été victimes de « comportements sexualisés inappropriés » dans leur milieu de travail, selon l’Enquête sur les inconduites sexuelles au travail de Statistique Canada. Ce pourcentage est de 17 % chez les hommes. Près du tiers (28 %) de celles qui ont vécu une expérience de cette nature ont déclaré que la personne fautive était en position d’autorité, 31 % qu’il s’agissait d’un client ou d’un patient. Et de tels comportements ont touché plus souvent les jeunes, les membres de la communauté LGBTQ+ et les personnes avec une incapacité. « Ces expériences – qui vont des blagues et commentaires de nature sexuelle aux agressions sexuelles, en passant par les attouchements non désirés – peuvent avoir de lourdes conséquences sur les possibilités d’emploi des femmes et sur leur participation au marché du travail, lit-on sur le site de Statistique Canada. En outre, l’existence de comportements sexualisés et discriminatoires au sein d’une organisation peut entraîner une normalisation des stéréotypes et leur reproduction à l’échelle systémique. »

Une femme sur huit est victime d’agression sexuelle en milieu de travail durant sa vie professionnelle.

Peu déclarent les incidents

Moins de la moitié des travailleurs qui ont vécu de telles situations les déclarent à une personne d’autorité, au service des ressources humaines de l’organisation ou à leur syndicat. Les femmes décident de ne pas les signaler pour cause d’anxiété et faute de confiance dans le processus de signalement. « Bien que tous les milieux de travail doivent se conformer aux lois contre le harcèlement et la discrimination, 32 % des femmes et 26 % des hommes ont dit que leur employeur ne leur avait fourni aucun renseignement relativement aux procédures de signalement en place concernant les incidents de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle », lit-on sur le site de Statistique Canada.

2 %

Pourcentage de travailleurs canadiens disant avoir été victimes de comportements sexualisés « inappropriés » ou de discrimination fondée sur le genre en ligne ou au téléphone. Le chiffre pourrait-il être plus élevé depuis que la pandémie a forcé bien des employés au télétravail ? « Oui, répond Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés. Le télétravail est un terreau fertile à ce genre de comportements, car il n’y a pas d’autres regards bien souvent quand on est devant son écran. Lors d’un sondage de l’Ordre, il y a quelques mois, des gens nous ont dit qu’ils craignaient que des incidents ne surviennent et qu’ils n’oseraient dénoncer. C’est préoccupant. »

PHOTO DAVID BOILY, LAPRESSE

Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés

47 %

Pourcentage des femmes dans des milieux à dominance masculine, tels le transport et la machinerie, qui affirment avoir vécu des incidents inappropriés. Le pourcentage est de 32 % dans les milieux des sciences naturelles et appliquées et de 28 % dans ceux de la fabrication et des services d’utilité publique. Plus généralement, les comportements déplacés se produisent souvent devant témoins et peu interviennent pour y mettre fin (31 %). « Le nombre de personnes présentes au moment de l’incident peut témoigner de la culture générale du milieu de travail dans laquelle baignent les travailleurs, lit-on encore sur le site de Statistique Canada. Les personnes qui travaillent dans un milieu où plusieurs adoptent des comportements sexualisés inappropriés ou en sont témoins peuvent percevoir une acceptation tacite de ces comportements par leurs collègues, et possiblement par la direction. »

Que doivent faire les organisations ?

Les directions doivent parler et reparler de ces comportements et de ce à quoi elles s’attendent des travailleurs, selon Manon Poirier. « On a l’impression qu’on a tout enseigné quand on fait signer la politique de l’entreprise à l’embauche, souligne-t-elle. Or, il faut ramener le sujet, le maintenir en vie. Il faut sensibiliser, faire des formations et, bien sûr, agir quand il y a un cas. Les gens se remettent en question, doutent moins, quand les gestes sont très clairs, mais il le faut aussi pour certaines paroles et certains regards. »