Un petit producteur fait son entrée à la SQDC

C’est un exploit, aussi bien sur le plan horticole que sous l’angle de la persévérance : après sept ans d’efforts, une demi-douzaine d’amis qui s’étaient connus à l’école secondaire ont réussi à placer sur les tablettes de la SQDC du cannabis haut de gamme – c’est-à-dire à haute teneur en ingrédients actifs.

Offert depuis le 20 avril, le cannabis Gelato 33 du producteur artisanal Lot 420 titre à 25 % de THC.

Les deux cofondateurs, Jean-Romain Péclet et Stefan Macdonald, en avaient eu l’inspiration en 2014, après avoir constaté que le cannabis soulageait les effets de l’épilepsie d’un ami et les douloureuses séquelles de l’accident de moto subi par Jean-Romain.

« On a vu une opportunité de se lancer en affaires entre amis et on a décidé de faire ce voyage-là », indique Stefan Macdonald.

La première étape du trajet consistait à déposer auprès de Santé Canada une demande d’autorisation de culture de cannabis à vocation thérapeutique – un document de 650 pages dont la pénible préparation aurait justifié à elle seule l’usage du produit.

« C’est comme faire une thèse. Ça nous a pris un an et demi », exprime Stefan Macdonald, par ailleurs président-directeur général de Lot 420.

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Stefan Macdonald (à gauche) et Jean-Romain Péclet, fondateurs de Lot 420

Avec leurs fonds propres et sans garantie de résultat, les deux entrepreneurs y ont consacré quelque 70 000 $, notamment pour établir les plans d’une serre de 22 000 pi2 et planifier son aménagement.

Un terrain devait être attaché à la demande. Par l’intermédiaire d’un ami, ils en ont trouvé un en Estrie dans le canton de Potton – pas parce que le nom était évocateur, mais en raison du prix raisonnable de la terre et de la possibilité de la réserver durant la longue attente de l’autorisation fédérale.

La demande avait été déposée en 2015. L’autorisation de construire est tombée en 2018. Trois ans de néant.

Tu mets de l’argent, tu continues à mettre de l’argent et tu ne sais pas ce qui va arriver.

Stefan Macdonald, président-directeur général de Lot 420

Les débours et déboires ne faisaient que commencer.

« Une compagnie durable »

La serre serait équipée de systèmes électroniques de gestion à distance de la température, de l’humidité et de l’irrigation, sans compter les dispositifs de filtration d’air et d’eau et quelque 80 caméras de sécurité. Une installation à la fine pointe de la technologie sans laquelle « on ne peut pas se rendre au meilleur cannabis », indique Jean-Romain Péclet.

  • Les serres font 22 000 pi2.

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    Les serres font 22 000 pi2.

  • Une installation à la fine pointe de la technologie se trouve dans les serres pour le contrôle de la température, de l’humidité et de l’irrigation, sans compter les dispositifs de filtration d’air et d’eau.

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    Une installation à la fine pointe de la technologie se trouve dans les serres pour le contrôle de la température, de l’humidité et de l’irrigation, sans compter les dispositifs de filtration d’air et d’eau.

  • Les serres contiennent plus de 2000 plantes en tout temps, pour une production d’environ 1500 kg de cannabis par année.

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    Les serres contiennent plus de 2000 plantes en tout temps, pour une production d’environ 1500 kg de cannabis par année.

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La facture allait atteindre 11,5 millions. Il fallait trouver des investisseurs.

« On a approché beaucoup de monde, et on s’est fait brûler à travers ça », relate Stefan, avec une autre métaphore de circonstance. « On a payé beaucoup de frais d’avocats. Des investisseurs potentiels nous ont lâchés à la dernière minute. »

Des investisseurs étrangers ont même montré de l’intérêt.

« On s’est fait offrir d’aller en Bourse, mais on s’est dit que ce n’était pas notre vision d’affaires, ajoute Jean-Romain. On voulait juste fonder une compagnie durable dans laquelle on peut travailler avec nos amis. »

Alors qu’ils frôlaient le découragement, c’est finalement dans leur univers rapproché qu’ils ont trouvé la dizaine de partenaires patients dont ils avaient besoin.

Les travaux ont été lancés en 2019, puis interrompus en mars 2020 par la pandémie.

Un certificat de services essentiels accordé in extremis leur a permis de relancer la construction et l’installation de l’équipement, achevées en juin 2020. « Un gros stress », résume Stefan.

Les deux cofondateurs ont alors quitté leur emploi respectif, dans la restauration pour le premier, comme contremaître municipal pour le second, et ont déménagé à proximité de l’établissement avec armes, bagages, enfants et conjointes.

« On ne serait pas là sans elles, reconnaît Stefan. Ma conjointe a même investi dans l’entreprise à un moment difficile. »

Le Graal

Le permis de Santé Canada a été délivré en septembre 2020.

Restait à cultiver la chose. C’était la responsabilité de Jean-Romain Péclet, fort de ses études en horticulture. « J’étais allé au Japon pour étudier les bonsaïs et j’ai un peu transmis ça dans la culture de cannabis », confie-t-il.

  • Jean-Romain Péclet a fait des études en horticulture.

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    Jean-Romain Péclet a fait des études en horticulture.

  • Jean-Romain Péclet a fait des études en horticulture.

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    Jean-Romain Péclet a fait des études en horticulture.

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Les 80 premiers plants de Gelato 33 ont été livrés à l’entreprise le 9 octobre 2020.

Entouré d’une douzaine d’équipiers, dont plusieurs partenaires de la première heure, le maître horticulteur de Lot 420 a franchi les étapes des bouture, végétation, floraison, séchage, coupe et macération, pour tenter d’atteindre le Graal d’une concentration de 25 % en THC.

« Il y a très peu de compagnies qui réussissent », dit-il.

Il compare l’exercice à la restauration, où tout le monde utilise les mêmes casseroles.

« La différence est dans l’équipe de cuisine, le chef, le sous-chef et les ingrédients qu’on utilise. »

Lancé à intervalle de deux semaines, le cycle complet s’étale sur 130 jours.

Les serres contiennent plus de 2000 plantes en tout temps, pour une production d’environ 1500 kg de cannabis par année.

  • L’entreprise Lot 420 compte 25 employés.

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    L’entreprise Lot 420 compte 25 employés.

  • L’entreprise Lot 420 compte 25 employés.

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    L’entreprise Lot 420 compte 25 employés.

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Pour atteindre ce rythme, l’entreprise a réussi à gonfler son contingent à 25 personnes depuis décembre dernier, malgré la pandémie et la pénurie de main-d’œuvre.

Discret marketing

Le marketing du cannabis récréatif licite est aussi discret que le chuchotement du revendeur de ruelle. Pas question de claironner sur l’internet les performances du produit.

« On peut juste montrer notre bâtisse, parler un peu de notre histoire, de notre technique de culture, familiariser les gens avec notre équipe. On ne peut pas promouvoir notre produit », décrit Stefan Macdonald.

Il sera testé et commenté dans les médias sociaux par des groupes spécialisés.

C’est très organique, on ne peut pas faire grand-chose. C’est vraiment les consommateurs qui vont parler.

Stefan Macdonald, président-directeur général de Lot 420

S’ils en parlent en bien et que les ventes s’en ressentent, les deux entrepreneurs ont l’intention d’agrandir leurs installations pour tripler la production et distribuer leur produit dans l’ouest du pays.

« C’est David contre Goliath, observe Jean-Romain Péclet. Il y a beaucoup de compagnies publiques et c’est difficile de les concurrencer, mais on persévère et on ne lâchera pas jusqu’à ce qu’on se fasse notre place. »

L’industrie du cannabis est tout sauf relaxante.