Investir dans des projets concrets de recherche et développement, créer un fonds qui pourrait acheter des PME québécoises en difficulté, mettre sur pied un centre d’expertise en génie qui pourrait jouer le rôle de sous-traitant à l’international : voilà trois des demandes qu’a faites Aéro Montréal auprès des gouvernements et qu’elle entend dévoiler ce lundi.

L’industrie aéronautique de la région montréalaise a déjà perdu plus de 4300 emplois depuis le début de la pandémie et la présidente-directrice générale d’Aéro Montréal, Suzanne Benoit, craint qu’elle ne puisse jamais s’en relever.

« Ce qui m’inquiète le plus, c’est que notre écosystème s’effrite », dit Mme Benoit, avant d’ajouter que certaines PME du secteur lui confient que l’hiver s’annonce difficile, et que d’autres mises à pied pourraient devoir survenir.

L’une des expertises particulièrement vulnérables est celle des ingénieurs. Au cours des dernières années, Montréal a fait naître coup sur coup deux avions issus d’une feuille blanche, la C Series (maintenant A220) et le Global 7500. Mais il n’y a plus de projet similaire à l’horizon.

La main-d’œuvre capable de telles prouesses est très rare à l’échelle internationale et est donc susceptible de se disperser, ce qui nuirait considérablement à la position de Montréal sur l’échiquier aéronautique.

Québec croyait avoir réglé une partie du problème en convainquant Mitsubishi d’ouvrir un bureau d’ingénierie pour travailler au développement du SpaceJet, un nouvel avion régional, mais le géant japonais a mis la hache dans le projet en mai dernier.

L’idée de regrouper cette expertise au sein d’une entreprise qui pourrait vendre ses services à l’international flotte depuis et elle fait partie du train de mesures que suggère Aéro Montréal aux gouvernements fédéral et provincial et qu’elle doit officiellement présenter ce lundi matin, dans le cadre d’un évènement organisé par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Projets de R et D

Dans la même veine, Aéro Montréal demande aux instances gouvernementales d’investir dans des projets de recherche et développement visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’industrie.

« Je ne pense pas que le gouvernement fédéral va annoncer un montant à cet effet, comme la France l’a fait, note Mme Benoit. Mais ce qu’on perçoit, c’est “amenez-nous des projets concrets” qui s’alignent avec les orientations du gouvernement en environnement. Je pense qu’ils vont y aller plus à la pièce, si je me base sur ce qu’ils ont fait pour l’automobile en Ontario. »

Ottawa et le gouvernement provincial ontarien ont chacun investi 250 millions, au début d’octobre, afin de permettre à l’usine Ford d’Oakville de produire des voitures électriques et leurs batteries.

« On en a qui sont prêts à partir, on en a à moyen terme, on en a à plus long terme », fait valoir Mme Benoit.

Regrouper les PME

Une autre suggestion d’Aéro Montréal est la mise sur pied d’un fonds d’investissement destiné à l’aéronautique.

L’organisme souhaite rassembler de 180 à 200 millions au départ, provenant essentiellement de sources privées, mais aussi potentiellement d’Investissement Québec ou de la Caisse de dépôt.

« Avec la COVID-19, certaines entreprises vont vraiment s’affaiblir. Il y a un risque que certaines entreprises d’ici avec de bonnes petites technologies deviennent des proies pour des sociétés étrangères », explique Mme Benoit.

En combinant des investisseurs et des opérateurs locaux, le fonds imaginé par l’organisme permettrait aux PME québécoises de continuer de croître. Il faciliterait aussi les regroupements, parfois compliqués en raison de la fierté de certains entrepreneurs. Vendre à un fonds plutôt qu’à un concurrent pourrait atténuer les réticences, croit-on.