On a beaucoup ri d’elle à ses débuts.

Surtout à cause de son enthousiasme pour des thérapies alternatives surprenantes, la plus célèbre étant, bien sûr, celle des œufs de jade à 92 $ dont elle a dû défendre les vertus sexuelles alléguées devant les tribunaux. En vain, et à gros prix.

Vendredi encore, j’ai poussé un grand soupir en voyant qu’à la une de son site, Goop, on affichait un article intitulé « Qu’est-ce que votre signe astrologique dit de votre caractère », dans une rubrique appelée « Bien-être ».

J’avais oublié que dans sa vision du bien-être, il y a l’influence des planètes et les détoxifications sans preuves scientifiques.

IMAGE TIRÉE DE NETFLIX

Gwyneth Paltrow a créé un véritable empire du bien-être avec son entreprise Goop.

Cela dit, on ne peut que constater une chose indéniable. L’actrice Gwyneth Paltrow a réussi son pari. Née en 2008, son entreprise, Goop, une marque attachée d’abord et avant tout à un site transactionnel proposant tant des vêtements que des produits de beauté, mais déclinée aussi en boutiques ayant pignon sur rue et autres contenus comme des conférences, des documentaires sur Netflix ou des balados, cartonne.

D’abord, tout le monde connaît maintenant le concept, à tel point que la marque associée à cette façon de voir la vie un peu ésotérique, pas mal écolo, très chic, plutôt féministe, d’apparence minimaliste, vraiment pas très calorique et plutôt pas mal chère, est devenue un adjectif : goopy.

Et non seulement elle emploie maintenant plus de 200 personnes – qui travaillaient, pré-COVID-19, au siège social de Santa Monica –, mais, selon les chiffres qui circulent le plus, cette société lancée il y a 12 ans sous forme de lettre d’information gratuite envoyée par courriel vaut aujourd’hui autour de 250 millions.

On a presque oublié que la femme d’affaires a un jour été une actrice lauréate d’un Oscar pour Shakespeare in Love tellement son entreprise est maintenant établie.

Vendredi, elle était invitée à C2 Montréal pour parler – en vidéoconférence, bien sûr – de sa vie d’entrepreneure au temps de la COVID-19.

De la discussion avec l’animatrice et productrice Anne-Marie Withenshaw, on a pu tirer quelques constatations sur l’art du succès selon Goop.

Première suggestion de Paltrow : embauchez des mères de famille. « Parce qu’elles font le boulot », dit la femme d’affaires. « C’est la cohorte la plus efficace. »

Une mère qui doit conjuguer travail et famille ne perd pas une seconde de son temps et s’arrange pour que tout soit fait dans des délais rapides, vu la nécessité de passer à ses autres obligations une fois la journée terminée. Et si elle a des obligations familiales qui l’empêchent de faire des heures supplémentaires, eh bien, ce n’est pas plus grave que ça, dit la chef de la direction de Goop. Les femmes, entre elles, se comprennent, affirme-t-elle.

Deuxième chose importante : ne pas avoir peur de faire des erreurs. C’est en les constatant, en les évaluant, en les comprenant et en les corrigeant que l’on grandit.

À l’entendre parler, on finit par avoir l’impression que c’est presque une expérience positive de se casser la figure.

Troisième idée tirée des propos de Paltrow à C2 : l’importance des valeurs. De ses propres valeurs, des valeurs de l’entreprise. Pour pouvoir prendre des risques, faire des erreurs, justement, il faut que l’ensemble de l’œuvre soit cohérent et c’est là le tour de force qu’a réussi l’actrice. Goop, explique-t-elle, est là d’abord et avant tout pour rendre service. Pour répondre aux multiples besoins des femmes dans le monde moderne. Donc, autant en proposant des chaussures que des listes de destinations voyage – utiles quand on pouvait encore se promener –, des recettes ou des façons d’avoir une belle peau.

Mais elle va aussi plus loin, en parlant de sexualité, de psychologie, de spiritualité. La marque se permet ainsi de prendre des risques pardonnables, ou du moins compréhensibles, dans une telle optique, puisque tout ce qu’elle dit faire, c’est chercher de nouvelles solutions, de nouvelles réponses, pour le bien de sa clientèle. Comme si on nous étalait toutes sortes de propositions variées pour être mieux dans notre peau en nous disant : « Choisissez, comme individu responsable, si vous préférez le tarot, les crèmes aux ingrédients naturels ou la lecture d’un bon roman que nous vous suggérons. »

À partir de là, à partir du moment où la marque est crédible parce que ses valeurs sont claires – ça sera naturel, actuel, et on osera, pour vous, remettre en question l’ordre établi et sortir des sentiers battus –, on peut tout vendre et essayer beaucoup. Même dans la controverse. Puisqu’il y aura toujours ce sous-texte, cette sorte d’avertissement de départ : on voulait juste bien faire, vous aider.

Ensuite, quatrième leçon : il ne faut pas avoir peur de remettre en question, d’abord et avant tout, les idées stéréotypées et préconçues que l’on a au sujet de… soi-même ! « Il faut accepter d’être qui on est, dans le moment présent », dit la femme d’affaires.

Plusieurs fois durant la conversation, Paltrow a fait des blagues au sujet de sa consommation d’alcool depuis le début de la pandémie. « Parfois je me regarde, avec des frites et un martini, et je ne me trouve pas très goopy », lance cette « perfectionniste en rémission ». « Il faut se donner de la latitude pour être qui on est. » On voit ainsi la gamme de produits proposable s’élargir. Au-delà des vitamines et autres boissons thérapeutiques, on peut aussi s’offrir un petit gin !

Et on en entend parler sous forme publicitaire quand on écoute la balado…

Enfin, dernière idée : que fait-on quand, après tout ça, on se fait dire que tout cet univers de bien-être coûte trop cher ? D’abord, Gwyneth dira qu’elle travaille à élargir l’éventail de prix – une crème pour le visage à 132 $, ce n’est peut-être pas la plus chère, ni un baume à lèvre à 32 $, mais ce n’est quand même pas à la portée de toutes – pour offrir aussi des crèmes, disons, à 50 $.

Elle rappellera en outre, à juste titre, que tout ce qui est de qualité, naturel, pas industriel à outrance, produit sans raccourcis bon marché, a un prix souvent plus élevé que la malmode ou les produits remplis d’additifs de synthèse. Mais ensuite, elle indiquera que des ingrédients importants d’une vie axée sur le bien-être sont gratuits. L’air frais que l’on respire, la marche que l’on fera pour en prendre de grandes bouffées. L’eau. La méditation.

Donc, on peut toutes être goopy, à notre façon. Il suffit de lire les articles sur le site pour s’inspirer.

Et on finira bien aussi, peut-être, par acheter quelque chose.