(Ottawa) Le Canada a tout intérêt de voir les États-Unis sous l’administration de Joe Biden réintégrer l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), estime l’ancien ministre conservateur Ed Fast, qui a négocié l’adhésion du Canada à cet accord commercial en 2015.

M. Fast a soutenu que la réadmission de la première économie mondiale à cette entente qui regroupe 11 pays permettrait de consolider des règles internationales en matière de commerce auxquelles la Chine devrait éventuellement se soumettre.

Dans une entrevue accordée à La Presse, M. Fast, qui est toujours député conservateur à la Chambre des communes, a rappelé que l’établissement de règles internationales s’appuyant sur la primauté du droit était d’ailleurs l’objectif primordial des États-Unis afin de faire contrepoids à l’influence grandissante de la Chine, qui se montre de plus en plus agressive dans ses pratiques commerciales.

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Ed Fast, député conservateur à la Chambre des communes

L’ancien président démocrate Barack Obama et son vice-président de l’époque, Joe Biden, appuyaient sans équivoque cet objectif alors que la Chine, devenue deuxième économie de la planète, cherche à imposer sa logique économique aux pays avec lesquels elle transige.

Mais l’un des premiers gestes du président Donald Trump, après son arrivée au pouvoir, fut de retirer les États-Unis de cet accord, forçant les autres pays à en renégocier les paramètres sans les Américains pour le sauvegarder. C’est ainsi que le PTPGP a remplacé le Partenariat transpacifique.

« Le Partenariat transpacifique a toujours été vu par le Canada et les États-Unis comme un moyen de faire contrepoids à l’influence de la Chine dans la région de l’Asie-Pacifique. C’est pour cela que c’était si surprenant de voir Donald Trump retirer les États-Unis de cet accord. Il a perdu une occasion d’utiliser cet accord commercial avec des pays qui partagent les mêmes valeurs pour faire contrepoids à la Chine », a analysé M. Fast.

Durant la campagne présidentielle, cette question n’a pas été abordée par M. Biden ou par le président Trump.

« Il serait absolument avantageux d’avoir la plus grande économie de la planète pour soutenir nos efforts pour établir des règles commerciales s’appuyant sur la primauté du droit pour contrer les efforts agressifs de la Chine d’établir ses propres règles. Chaque fois que nous avons les États-Unis en tant que partenaires, nous avons de meilleures chances que nos efforts soient couronnés de succès », a dit M. Fast.

Outre le Canada, le PTPGP regroupe 10 autres pays de la région Asie-Pacifique, soit l’Australie, Brunéi, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Viêtnam.

Ensemble, les pays membres de cet accord constituent un bloc commercial représentant 495 millions de consommateurs et 13,5 % du PIB mondial. Le PTPGP est entré en vigueur le 30 décembre 2018 pour les six premiers pays ayant ratifié l’Accord, soit le Canada, l’Australie, le Japon, le Mexique, la Nouvelle-Zélande et Singapour. Le 14 janvier 2019, le PTPGP est entré en vigueur pour le Viêtnam.

Pour se joindre au PTPGP, les États-Unis devront accepter les conditions de l’accord qui ont été négociées après son retrait. Selon l’ancien ministre Ed Fast, tout indique que le Canada devra mener les pourparlers avec les autres pays pour faciliter la réadmission des États-Unis.

M. Fast voit toutefois un obstacle important à l’horizon : l’accès des producteurs laitiers américains au marché canadien. Il a rappelé que dans le précédent accord, le Canada avait accepté d’accorder une plus grande part de marché aux États-Unis, à l’Australie et à la Nouvelle-Zélande. Après le retrait des Américains, le Canada a accordé la part de marché qu’il était prêt à consentir aux États-Unis aux deux autres pays.

Par la suite, le Canada a renégocié l’Accord de libre-échange nord-américain avec l’administration Trump et il a dû se résoudre à accepter une nouvelle brèche dans le système de gestion de l’offre pour arracher une nouvelle entente, l’Accord Canada–États-Unis–Mexique.

« Je crois qu’il va y avoir beaucoup de pressions de la part des pays membres du PTPGP qui n’ont pas d’accord commercial avec les États-Unis pour qu’ils soient réadmis. […] Ce serait rafraîchissant de voir les États-Unis réintégrer cet accord, mais cela entraînerait des discussions difficiles au sujet des conditions de leur retour. Le Canada devrait mener ces discussions, car beaucoup de concessions ont déjà été faites aux Américains quand on a renégocié l’ALENA », a-t-il fait valoir.