Ceci ressemble à une chronique sur Harry et Meghan, mais c’est en fait un texte sur la difficulté de gérer une marque quand on a des franchisés. 

Pour commencer, oui, il est question du prince Harry et de son épouse, la duchesse de Sussex, Meghan Markle.

Comme vous le savez peut-être, parce qu’il en a été quand même un tantinet question aux nouvelles, quelque part entre les incendies en Australie et la tragédie du vol de la compagnie Ukraine International Airlines, ils ont décidé de faire une sorte de Sussexit. De se distancer de leur vie royale.

Personne ne sait exactement ce que cela signifie, y compris la reine – on voit ici amplement de matériel pour une saison sept de The Crown. Mais ils ont dit, par voie de communiqué sur Instagram, qu’ils voulaient commencer à gagner leur vie et à concilier leur vie royale et une vie plus indépendante, en « Amérique du Nord ». Notez ici qu’on ne précise pas dans quel pays.

PHOTO PHIL NOBLE, ARCHIVES REUTERS

Harry et Meghan renoncent à leur part de l’allocation royale « Sovereign Grant », mais cette somme ne représente que 5 % des revenus du couple. Les 95 % restant leur sont alloués par le prince Charles, le père d’Harry, par l’entremise du Duché de Cornouailles.

Et c’est ici que commence le suspense.

Meghan est américaine. Donc on pourrait présumer qu’elle se rapprochera de sa mère dans le sud de la Californie.

Mais elle a vécu à Toronto pendant sept ans alors qu’elle tournait la série Suits. Donc, même si la duchesse est américaine, le Canada est aussi devenu son pays.

Et ça tombe bien. Le Canada fait partie du Commonwealth et la reine sa belle-grand-mère est notre souveraine, qu’on soit d’accord ou pas. On est un peu de la famille. Et c’est en Colombie-Britannique que le couple a choisi de passer ses vacances de Noël, près de Victoria. 

Avouez qu’il y a de quoi penser qu’ils vont s’installer ici.

Et au Canada, il y en a beaucoup qui croient qu’il y a en effet toutes sortes de bonnes raisons de penser que c’est possible, en commençant par le responsable du compte Twitter de Tim Hortons, qui a écrit ceci mercredi soir vers 19 h : « Pas de pression, Meghan et Harry, mais si vous choisissez de déménager au Canada, café gratuit à vie. Pensez-y. »

Ceci n’est pas passé inaperçu.

« L’équipe des médias sociaux a publié un commentaire qui se voulait sympathique. Nous avons à cœur d’offrir le meilleur à tous nos invités », a expliqué par la suite un porte-parole de Tim Hortons, seul commentaire de la journée jeudi.

Pourquoi l’entreprise a-t-elle été obligée de « clarifier » sa pensée ? Parce que Tim Hortons s’est fait inonder de commentaires négatifs. 

« Arrêtez de donner des trucs gratuits aux millionnaires », a commenté Bridget Casey, en réponse au tweet du marchand de beignes et de café.

« Ils ont les moyens d’acheter l’entreprise, vos employés ne peuvent pas payer leur loyer. Vous voyez le problème avec ce tweet ? », a commenté @KlownyJ.

« Essayez de payer vos employés de Winnipeg leurs 30 cents [d’augmentation de salaire] avant de faire des cadeaux royaux », a ajouté Michael Green.

« Pourquoi ne pas donner du café gratuit à ceux qui en ont réellement besoin, comme les sans-abri qui sont actuellement blottis quelque part pour rester au chaud ? », a commenté Ali Quea.

« Donnez du café gratuit à des personnes âgées, des vétérans, des militaires, des sans-abri… à vie », a ajouté une autre femme de Calgary répondant au doux nom de @bravelilroaster.

Ça a duré toute la journée, la plupart des tweets faisant référence à deux incidents précis ayant terni l’image de Tim Hortons récemment.

D’abord, la décision d’un franchisé d’Ottawa d’imposer une limite de 30 minutes dans le café, post-achat, une mesure de toute évidence conçue pour éviter que les sans-abri ne traînent trop longtemps dans l’établissement ouvert 24 heures sur 24.

Et on a fait aussi beaucoup allusion à une succursale de Winnipeg qui a mis ses employés en lock-out après un conflit avec son syndicat au sujet d’un désaccord sur le montant d’une augmentation salariale. Encore jeudi, ils faisaient du piquetage.

Dans les deux cas, les histoires ont été largement diffusées. 

À Winnipeg, les employés voulaient 30 cents de plus l’heure et le patron refusait d’offrir plus que 20 cents d’augmentation. Actuellement, quand ils ne sont pas en lock-out, les employés gagnent 11,75 $ de l’heure, soit 10 cents de plus que le salaire minimum. Et selon l’organisme indépendant Living Wage Canada, il faut gagner au moins 14,54 $ de l’heure dans la région de Winnipeg pour avoir un niveau de vie de base… 

PHOTO GEOFF ROBINS, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le mariage de Meghan Markle et du prince Harry a été fêté en grand dans un Tim Hortons de London, en Ontario, le 19 mai 2018.

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Le problème qu’on voit ici, c’est que toute la marque Tim Hortons est en train de payer le gros prix pour des dérapages dans deux de ses succursales. 

Selon le site de recherche d’emploi Indeed, le salaire horaire moyen au Québec est de 14,45 $ l’heure comme « associé au service de la nourriture ». Et la note moyenne donnée par les employés et anciens employés, sur 5, est de 3,7, en se basant sur l’avis de plus de 17 000 personnes. La situation choquante de Winnipeg n’est pas répandue.

Quant au traitement des sans-abri, rappelons-nous le cas du monsieur de Vancouver en 2018 qui est mort dans un Tim Hortons parce qu’il y passait toutes ses journées et toutes ses nuits. Dans son cas, le scandale n’avait rien à voir avec la chaîne de beignes et de café, mais bien avec l’inaccessibilité des soins de santé et surtout du logement dans un marché aux prix déments, ce qui obligeait le pauvre homme à passer son temps dans ce seul lieu qui, lui, l’accueillait. 

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Au lieu de faire des tweets, Tim Hortons devrait s’assurer de faire respecter ses valeurs dans toutes ses succursales, un problème qu’il n’est pas le seul franchiseur à devoir affronter. Qu’on parle de supermarchés ou de location de voitures, à eux seuls, deux ou trois franchisés d’une grande enseigne peuvent causer bien des dégâts. 

Il suffit de quelques erreurs et c’est toute la marque qui en paie le prix.