Après le propane, ce pourrait bientôt être au tour de la farine de manquer. Le niveau d’inquiétude a monté d’un cran, hier, au troisième jour de la grève de quelque 3200 employés du CN, au point que le premier ministre du Québec, François Legault, a exigé du nouveau gouvernement fédéral l’imposition rapide d’une loi spéciale.

L’appel de M. Legault a été imité par d’autres premiers ministres provinciaux, notamment ceux de la Saskatchewan et de l’Alberta, qui sont quant à eux préoccupés par l’incapacité de déplacer pétrole et céréales, produits très importants pour leur économie.

« On utilise à peu près 6 millions de litres de propane par jour », a expliqué M. Legault en mêlée de presse, à Québec.

« Nous disposons de réserves de 12 millions de litres. Nous avons commencé à faire des choix. Nous avons [du propane] pour quatre jours, quatre jours et demi. »

Ces choix prévoient d’alimenter en priorité les hôpitaux et les centres de personnes âgées qui dépendent du propane pour leur chauffage.

Les agriculteurs, en revanche, ne font pas partie de cette liste prioritaire et crient à l’urgence.

« On est en situation de détresse », implorait hier le président des Céréaliers du Québec, Clément Leblanc.

Avant la pénurie, c’était déjà la pire saison depuis toujours. Nous avons eu toutes les conditions adverses possibles. Juste dans mon cas, il me reste environ un demi-million de dollars de maïs dans le champ.

Clément Leblanc

Sans séchage, les grains de maïs ne peuvent être conservés plus de deux ou trois jours à leur taux d’humidité actuel, selon M. Leblanc. À elles seules, ces opérations exigent environ 10 000 litres de propane par jour, fait-il valoir, et il n’y a pas d’autre option. Les opérations de récolte restent donc suspendues, même si une fenêtre de météo plus clémente semble s’ouvrir ce week-end.

Au tour de la farine

Si la grève devait durer, Montréal pourrait aussi bientôt subir une pénurie de farine, a-t-on appris hier. La minoterie ADM, connue pour sa marque Five Roses, a envoyé à ses clients une lettre, que La Presse a obtenue, dans laquelle elle indique que « [son] inventaire actuel [lui] permet de couvrir les commandes jusqu’au lundi 25 novembre inclus ».

« Tout notre blé arrive par train », a indiqué une porte-parole de l’entreprise, selon qui toutes les minoteries montréalaises sont dans la même situation. « On essaie de trouver du blé ailleurs. »

Négociations en cours

Dans un point de presse tenu à la sortie du premier conseil des ministres du nouveau gouvernement fédéral, les ministres des Transports, Marc Garneau, et du Travail, Filomena Tassi, ont fait savoir que des négociations étaient en cours, sous la supervision du médiateur en chef du ministère du Travail.

M. Garneau ne s’est toutefois pas prononcé sur la possibilité d’imposer une loi spéciale.

« [Notre] réponse, c’est que la meilleure façon et la façon la plus rapide de résoudre cette situation est de respecter la négociation collective. Nous sommes persuadés qu’il existe une solution qui peut se faire si les deux côtés continuent de travailler ensemble. »

Le Parlement ne sera d’ailleurs pas rappelé avant le 5 décembre prochain, à la date prévue du discours du Trône. Une loi spéciale ne pourrait donc pas être adoptée avant la semaine suivante, du 9 au 13 décembre. Après coup, les travaux à la Chambre des communes doivent être ajournés pour la période des Fêtes.

Le CN, qui ne répond à aucune question des journalistes, sinon pour dire qu’il n’y a « rien de neuf », a diffusé hier matin un communiqué de presse dans lequel il remettait en question les affirmations du syndicat des Teamsters quant au fait que les négociations achoppent principalement sur des enjeux de sécurité.

Même si le Syndicat a affirmé que la grève était une question de sécurité, ces déclarations ne reflètent pas le contenu de nos discussions.

Le CN

« Si les enjeux de sécurité avaient été réglés, on ne serait pas en grève », a rétorqué hier le porte-parole des Teamsters, Christopher Monette. « On est en grève parce qu’on a des craintes sérieuses en matière de sécurité. »

Selon lui, la pénurie de propane « soulève de sérieuses questions sur la façon dont les hôpitaux et les CHSLD sont gérés ».

« Je ne peux pas croire qu’après quelques jours, on soit déjà en situation d’urgence. Cela dit, je pense que le CN n’a juste pas fait le choix de prioriser le propane. Certains trains circulent, mais ils ne transportent pas de propane. »

Les 3200 employés en grève sont principalement des chefs et agents de train, ainsi que des agents de triage.

— Avec la collaboration de Fanny Lévesque, La Presse, et de La Presse canadienne