Il y a trois semaines, la Cour supérieure du Québec et les actionnaires d’Ipsen approuvaient l’achat par la société biopharmaceutique française de Clementia pour 1,3 milliard US. Fondée en 2011, la pharmaceutique canadienne, établie à Montréal, se spécialise dans les maladies osseuses rares (comme la fibrodysplasie ossifiante progressive (FOP), appelée communément la maladie de l’homme de pierre). Sa molécule, le palovarotène, en phase finale d’approbation, pourrait être commercialisée aux États-Unis dès l’été 2020.

Comment rentabiliser l’acquisition d’une molécule pour une maladie très rare qui pourrait atteindre 9000 personnes dans le monde ? 

L’entreprise note d’abord le fait que la maladie est chronique. « Le palovarotène est aussi un pipeline à lui seul, répond David Meek, PDG d’Ipsen, rencontré à Montréal hier. Nous voyons trois opportunités : les 9000 personnes qui pourraient être atteintes du FOP et les 150 000 personnes partout dans le monde atteintes de l’ostéochondrome. Il pourrait aussi être un traitement pour la sécheresse oculaire, cet axe étant en première phase de tests. »

« Ce n’est pas comme si Ipsen allait devoir atteindre ses cibles uniquement par rapport au FOP, ajoute Clarissa Desjardins, présidente et directrice générale de Clementia. Les champs où le médicament peut être appliqué et générer bien des revenus sont multiples. »

Le prix n’est pas déterminé

Ipsen a parlé de pics de ventes liés au traitement du FOP de 400 millions US. Cela dit, le prix du produit n’est pas encore déterminé. Il sera possible de le faire plus près de l’approbation de mise en marché de la molécule par la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis, en 2020. « Le prix sera dans les mêmes eaux que pour les autres produits de maladies rares et ultra-rares, explique David Meek. Et il sera différent d’un marché à l’autre. »

Avec le palovarotène, Ipsen grossit son portefeuille de molécules destinées aux maladies rares. « Il y a donc des synergies potentielles », dit David Meek. Notamment pour la commercialisation de produits.

Dans certains cas éventuels, tout dépendant des acquisitions, l’expertise de développement clinique de Clementia pourrait être intéressante. « C’est un bon mariage, cette acquisition, décrit Clarissa Desjardins. Nous sommes des experts en recherche et développement clinique. Mais nous n’avions pas développé l’infrastructure commerciale pour rendre le médicament accessible mondialement. Or, Ipsen a une infrastructure pour commercialiser le produit. »

300 millions

Jusqu’ici, Clementia a investi environ 300 millions dans le développement du palovarotène. « Sa distribution requiert des montants additionnels de plusieurs centaines de millions de dollars », note Clarissa Desjardins.

« Il n’y avait pas besoin d’une troisième phase de tests pour le palovarotène, note David Meek. Ce qui aurait pris des années et aurait occasionné des risques pour tout le monde. Cette acquisition était donc une opportunité pour nous. Les dossiers de soumission, c’est gros pour une entreprise. »

Dans ses produits de soins spécialisés (oncologie, neuroscience et maladies rares), Ipsen confirme une hausse des ventes de 17,6 %, à 597 millions d’euros, au premier trimestre 2019 par rapport à il y a un an.