Il fallait s’y attendre, et c’est maintenant fait. Les enchères sur Transat sont maintenant officiellement lancées avec le dépôt d’une nouvelle offre de Groupe Mach, qui valorise à 560 millions la valeur des actions de Transat, une bonification de 7,7 % par rapport à l’offre déposée il y a deux semaines par Air Canada. Il en faudra toutefois manifestement plus pour qu’une transaction se réalise. 

Groupe Mach, important promoteur immobilier québécois, avait déjà publiquement manifesté son intérêt envers Transat lorsque Air Canada avait officiellement annoncé, le 16 mai dernier, la conclusion d’une entente de négociations exclusives avec Transat autour de sa proposition de payer 13 $ par action, ou 520 millions, pour acquérir l’entreprise. 

L’offre d’Air Canada vise essentiellement les activités de voyagiste et de transporteur aérien de Transat et ne semble nullement impliquer la poursuite des activités de la nouvelle division hôtelière mexicaine du groupe, qui dispose d’un capital de développement de plus de 500 millions. Groupe Mach a donc dévoilé publiquement ses propres intentions, hier, qui valorisent Transat à 560 millions, ou 14 $ l’action. 

Vincent Chiara, PDG de Groupe Mach, veut faire l’acquisition de Transat avec l’appui de deux de ses importants actionnaires — le Fonds de solidarité (12 %) et la Caisse de dépôt (6 %) —, qui devront rouler leurs actions dans la nouvelle Transat, et il souhaite obtenir un financement de 120 millions de la part d’Investissement Québec. 

Contrairement à celle d’Air Canada, la proposition de Groupe Mach mise essentiellement sur le développement des activités hôtelières de Transat au Mexique pour redonner une rentabilité à moyen et long terme à l’entreprise.

Le promoteur immobilier doit compter sur le soutien financier de la Caisse, du Fonds FTQ et d’Investissement Québec ainsi que d’un partenaire espagnol — le groupe TM — qui fusionnerait ses activités hôtelières mexicaines en échange d’une contrepartie de 25 % dans la nouvelle Transat. Ça fait beaucoup de conditions pour que l’offre de Groupe Mach chemine correctement et soit considérée avec sérieux par le conseil d’administration de Transat et, ultimement, par ses actionnaires. 

Transat se retrouve donc confrontée à deux avenues bien distinctes. Soit son avenir sera recentré sur ses activités traditionnelles de voyagiste et de transporteur aérien avec Air Canada comme unique actionnaire, soit elle poursuivra son plan qui vise la création d’une division immobilière par l’entremise d’une intégration par Groupe Mach.

Deux destins à bonifier 

Le hic, c’est que ni la proposition d’Air Canada ni celle de Groupe Mach ne semblent en voie de satisfaire aux objectifs financiers de deux importants actionnaires de Transat, la firme d’investissement Letko Brosseau (22 % des actions) et PenderFund Capital (4 %). Les deux fondateurs de Letko Brosseau ont clairement indiqué à mon collègue Richard Dufour la semaine dernière que l’offre à 13 $ d’Air Canada était insuffisante, puisqu’elle ne reflétait que la valeur des liquidités dont dispose Transat pour assurer son virage immobilier. 

Letko Brosseau semble pencher du côté de l’évaluation faite par l’analyste Benoit Poirier, de Desjardins Marché des capitaux, qui estime que la valeur comptable de Transat se rapproche davantage des 16 $ l’action. La firme PenderFund Capital, de Vancouver, estimait pour sa part qu’une offre minimale acceptable pour les actions qu’elle détient dans Transat serait d’au moins 15 $ l’action. 

Il reste donc du chemin à faire pour qu’une transaction suscite l’adhésion d’une majorité d’actionnaires de Transat, ce qui est sain en soi. 

Air Canada pourrait rapidement clore le dossier en bonifiant sa proposition financière pour la rendre conforme aux exigences fort compréhensibles des actionnaires de Transat.

Il y a deux semaines, j’avais déploré le fait que le conseil de Transat accepte de négocier autour d’une offre financière qui ne tenait pas compte de la valeur réelle de l’entreprise. 

Air Canada s’alignait sur un prix d’aubaine pour absorber un concurrent important dans son marché, cela doit normalement se monnayer à un prix conséquent. On ne sait trop comment la surenchère que vient de lancer Groupe Mach pourra influer sur la suite des choses, mais cette nouvelle offre pourrait ne pas déplaire au Fonds de solidarité FTQ, qui pourrait poursuivre son association avec Transat, une entreprise dont il est actionnaire depuis maintenant 29 ans. 

On le sait, le Fonds de solidarité FTQ a réalisé au cours des 12 derniers mois d’importants gains en capitaux avec les ventes successives des entreprises Camso et Colo-D — au-delà de 500 millions —, et c’est sans compter les près de 400 millions qui avaient préalablement été récoltés avec la vente d’Atrium. Le Fonds de solidarité doit investir l’argent de ses déposants en plus de trouver des investissements intéressants pour ses fonds. Ce qui fait beaucoup de capitaux à redéployer dans un nombre d’entreprises restreint. 

Le Fonds pourrait préférer conserver ses actions dans Transat et participer à sa valorisation à long terme dans ses projets immobiliers qui vont prendre forme au cours des prochaines années. Il semble toutefois nettement plus probable qu’Air Canada va clore le dossier en y mettant les fonds nécessaires.