Alors que se prépare le procès du Montréalais David Baazov pour délit d'initié, l'Autorité des marchés financiers (AMF) soutient que l'ex-PDG d'Amaya sert de prête-nom pour son frère Josh depuis une dizaine d'années.

Amaya, qui a changé son nom cet été pour Stars Group et déménagé son siège social de Pointe-Claire à Toronto, est le numéro un mondial du poker en ligne depuis l'acquisition de PokerStars pour 5 milliards US en 2014 .

L'AMF dit avoir mis la main sur une entente secrète signée en 2007 qui révèle que David Baazov possédait 100 % des actions de l'entreprise, il y a 10 ans, mais que 75 % de ces actions étaient en fait détenues pour le compte de Josh Baazov et Craig Levett. Ce dernier est un partenaire d'affaires de longue date de Josh Baazov.

Josh Baazov et Craig Levett seraient toujours bénéficiaires ultimes d'au moins 50 % des actions détenues par David Baazov, indique un document de l'AMF obtenu par La Presse. On peut y lire que le pacte leur accordait un accès complet en tout temps aux livres et dossiers de l'entreprise du temps où David Baazov dirigeait Amaya.

David Baazov s'était même engagé à ce que ni lui ni l'entreprise ne prennent de décisions importantes sans l'accord de Josh Baazov ou de Craig Levett, est-il précisé dans le document utilisé pour obtenir des mandats afin de réaliser trois nouvelles perquisitions à Montréal, la semaine dernière.

LE CELLULAIRE DE JOSH BAAZOV

L'AMF affirme avoir découvert l'entente l'an passé dans le cellulaire de Josh Baazov et que ladite entente a été consultée par l'utilisateur du cellulaire le 31 décembre 2015 et le 1er janvier 2016, soit neuf ans après sa signature et peu de temps avant la tentative ratée de rachat d'Amaya par David Baazov, l'automne dernier.

Selon des courriels perquisitionnés par l'AMF, un intervenant non identifié nomme Josh Baazov comme étant le propriétaire d'Amaya à l'automne 2015, soit un an après l'acquisition de PokerStars. « J'aimerais vous présenter M. Josh Baazov, le propriétaire du Groupe Amaya. Une de leurs entreprises est PokerStars. Josh est intéressé à acheter votre groupe », est-il écrit.

Aucune mention d'une entente prête-nom, de ses implications ou du rôle important de Josh Baazov et de Craig Levett n'a été faite au fil des ans dans les documents déposés auprès de l'AMF par Amaya, ce qui amène le gendarme boursier à vouloir démontrer la nature fausse et trompeuse d'informations transmises par David Baazov et Amaya.

UNE AMENDE DE 777 000 $

L'entreprise avait par ailleurs voulu montrer patte blanche lors du premier appel public à l'épargne d'Amaya en 2010.

« La compagnie déclare qu'à sa connaissance, aucun administrateur, membre de la direction ou actionnaire détenant un nombre suffisant d'actions pour avoir une influence importante sur le contrôle de la compagnie n'a fait l'objet d'autres amendes ou sanctions imposées par un tribunal ou un organisme réglementaire qui pourraient raisonnablement être considérées comme importantes pour un épargnant raisonnable prenant une décision de placement », est-il écrit dans le prospectus.

Or, l'AMF souligne qu'en juillet 1996, Josh Baazov a fait l'objet d'accusations publiques et a été condamné a payer 777 000 $US par la Federal Trade Commission, aux États-Unis, pour télémarketing frauduleux.

RÉPLIQUE DE DAVID BAAZOV

David Baazov a répliqué avec vigueur aux nouvelles allégations à son endroit.

« Par des fuites préjudiciables, de fausses déclarations et des insinuations persistantes, cette affaire se transforme en partie de pêche interminable. L'AMF continue de gérer cette affaire devant le tribunal de l'opinion publique parce qu'elle ne peut gagner en cour », a indiqué le porte-parole de David Baazov.

« David n'a jamais détenu d'actions d'Amaya pour une autre personne que lui-même », a-t-il ajouté.

David Baazov est accusé de délit d'initié en lien avec l'acquisition de PokerStars par Amaya, il y a trois ans. Il est aussi soupçonné d'être la source d'un « coulage majeur d'informations privilégiées » ayant mené à une série de délits d'initié depuis 2010 en lien avec des projets d'acquisition en préparation dans le secteur. Son procès, qui doit débuter en décembre, sera le plus important du genre jamais vu au Québec, voire au pays.

Il a quitté ses fonctions officielles au sein de l'entreprise l'an passé, après le dépôt des accusations. Il est notamment inculpé pour avoir communiqué de l'information privilégiée et pour avoir manipulé le marché. Même s'il a vendu la majorité de ses actions depuis le début de l'année, il détient encore aujourd'hui pour environ 133 millions de dollars d'actions du Groupe Stars.

Les messages laissés par La Presse à Josh Baazov et à Craig Levett sont demeurés sans réponse.