Le gouvernement britannique a choisi son camp dans la bataille commerciale qui oppose Bombardier et Boeing. La première ministre Theresa May et l'un de ses secrétaires d'État sont directement intervenus auprès de Donald Trump et de Boeing en faveur de la multinationale canadienne.

Dans une déclaration aux médias faite hier, un porte-parole du gouvernement britannique a confirmé que Mme May avait abordé le sujet avec Donald Trump lors d'une conversation téléphonique la semaine dernière.

Quant au secrétaire d'État au Commerce Greg Clark, il se serait déplacé à Chicago pour rencontrer directement le numéro un de Boeing, Dennis Muilenburg. Tous deux auraient milité en faveur du retrait de la plainte déposée par Boeing à l'endroit de Bombardier devant le département américain du Commerce.

Les premiers ministres britannique et canadien s'entretiendront la semaine prochaine du différend qui oppose Boeing et Bombardier, selon ce que rapporte Reuters mardi matin. Une source proche du dossier précise que la situation pourrait avoir des implications politiques de poids pour les deux pays.

L'usine de Bombardier à Belfast, en Irlande du Nord, est le plus important employeur manufacturier de cette région. On y fabrique notamment les ailes des avions C Series.

Justin Trudeau rencontrera d'ailleurs Theresa May à Ottawa le 18 septembre.

Une décision américaine est attendue le 25 septembre. S'il donne raison à Boeing, le département du Commerce pourrait imposer des tarifs temporaires pouvant atteindre près de 80 % sur les ventes d'appareils C Series aux États-Unis. Une décision finale viendrait quelques mois plus tard. Boeing accuse Bombardier d'avoir vendu à Delta des appareils à prix « dérisoires », chose rendue possible en raison de subventions « illégales » des différents gouvernements canadiens.

APPUIS MULTIPLES

L'enjeu est grand et la pression est appelée à augmenter de part et d'autre au cours des prochains jours.

De nombreux acteurs de l'industrie aéronautique, provenant des deux côtés de la frontière, tentent de faire pencher la balance dans un sens ou dans l'autre, ou encore de convaincre Boeing de retirer sa plainte.

« S'ils ne retirent pas leur plainte, c'est sûr que toute l'industrie va sortir perdante de ça », a estimé hier la présidente d'Aero Montréal, Suzanne Benoît, qui a sollicité une entrevue avec La Presse pour faire connaître la position de l'industrie aéronautique montréalaise dans le dossier.

« C'est Boeing qui a placé tout le monde dans cette situation-là avec sa plainte, tout le monde marche sur des oeufs, poursuit-elle. Nous unissons notre voix à celle de ceux qui demandent à Boeing de retirer sa plainte. Ce serait la voie à suivre. » - Suzanne Benoît

Selon elle, l'industrie de la construction d'avions est « tellement internationale » qu'une décision en faveur de Boeing ne pourrait faire autrement que de toucher l'ensemble des entreprises, à l'échelle mondiale, y compris aux États-Unis.

EFFRAYÉS

Pas plus tard qu'il y a une dizaine de jours, le président de Boeing International, Marc Allen, a réaffirmé à divers médias canadiens, dont La Presse, l'intention de son entreprise de mener sa plainte jusqu'au bout.

Selon Mme Benoît, Boeing agit par peur.

« L'avion de Bombardier n'est vraiment pas dans leur segment de marché, mais ça les dérange beaucoup. Ils ont peur de voir émerger un nouvel Airbus. Ils ne feraient pas tout ça s'ils n'avaient pas peur que Bombardier ne vienne leur porter ombrage. »

Une manifestation à laquelle doivent participer le syndicat Unifor Québec et l'Association internationale des machinistes doit aussi avoir lieu demain au centre-ville de Montréal et s'arrêter devant les bureaux d'une filiale de Boeing.

« Nous craignons les conséquences désastreuses sur les emplois chez Bombardier, mais tout autant chez les sous-traitants qui fournissent des pièces pour la C Series dont nos membres chez Pratt & Whitney et Avior, écrit le syndicat Unifor, qui représente aussi des employés de Boeing dans l'ouest du pays, dans son invitation. En fait, c'est l'industrie aérospatiale en entier qui s'en trouverait fragilisée. »

Photo Alain Roberge, Archives La Presse

Une décision américaine est attendue le 25 septembre. S'il donne raison à Boeing, le département du Commerce pourrait imposer des tarifs temporaires pouvant atteindre près de 80 % sur les ventes d'appareils C Series aux États-Unis.