Un accord pour sauver Chypre de la faillite a été trouvé dans la nuit de dimanche à lundi avec la zone euro et le FMI, qui prévoit des pertes pour les créanciers de la première banque du pays et la fermeture de la deuxième.

Le président chypriote Nicos Anastasiades, qui a négocié pied à pied pendant près de 12 heures à Bruxelles s'est dit «satisfait» de l'issue des négociations.

L'accord «met fin aux incertitudes concernant Chypre et la zone euro», a assuré lors d'une conférence de presse le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jeroen Dijsselbloem, alors que le pays était sous la menace d'une coupure des liquidités lundi par la BCE.

L'Eurogroupe a avalisé l'accord de principe trouvé un peu plus tôt par le président chypriote avec les dirigeants de l'UE et du FMI.

Cette nouvelle a soutenu les Bourses de Tokyo et de Hong Kong qui ont ouvert en hausse lundi matin.

L'accord prévoit la disparition de la banque Laïki, la deuxième du pays, selon une source européenne. Les détenteurs d'actions, d'obligations et les dépôts au dessus de 100.000 euros seront durement frappés, mais ceux avec des dépôts au dessous de 100 000 euros ne seront pas touchés, selon une source européenne.

«Les dépôts sécurisés seront mis dans une "good bank" les autres dans une "bad bank". Les dépôts non-sécurisés de plus de 100.000 euros seront gelés et participeront à la recapitalisation nécessaire», a précisé lors d'un point de presse le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble.

Selon une autre source, Bank of Cyprus, le premier établissement du pays qui compte beaucoup de déposants russes, ne disparaît pas. Mais les déposants au-dessus de 100 000 euros subissent eux aussi des pertes.

L'idée d'une taxe sur tous les dépôts bancaires, prévue dans le premier plan concocté en fin de semaine dernière, avait suscité un tollé. Elle a été abandonnée. «Il n'y a pas de taxe», a insisté une source.

Ce plan est proche de celui défendu la semaine dernière par le FMI, soutenu notamment par l'Allemagne, et qui avait été refusé par les autorités chypriotes.

M. Anastasiades s'est entretenu tout  l'après-midi et en soirée avec les présidents du Conseil européen, Herman Van Rompuy, de la Commission, José Manuel Barroso, de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, ainsi qu'avec la directrice du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde.

Ces rencontres se sont avérées déterminantes pour trouver un accord qui a été avalisé lors de la réunion des ministres des Finances de la zone euro.

Les Chypriotes devaient trouver les moyens de dégager 5,8 milliards d'euros nécessaires au déblocage des 10 milliards d'euros de prêt de l'UE et du FMI. Mais à des conditions qui satisfassent les bailleurs de fonds.

Les tractations ont été très dures et ont duré toute la soirée. M. Anastasiades a même mis sa démission dans la balance. «Vous voulez me forcer à démissionner?», a-t-il demandé aux responsables de la troïka (UE, BCE, FMI), selon l'agence de presse chypriote CNA, citant des sources au palais présidentiel. «Si c'est ce que vous voulez, dites-le moi», a-t-il ajouté.

«Je vous fais une proposition, et vous ne l'acceptez pas. Je vous en donne une autre et c'est la même chose. Qu'est-ce que vous voulez que je fasse?» a-t-il lancé.

Selon un haut responsable du gouvernement chypriote, cité par l'agence CNA, les tractations ont buté notamment en raison de l'attitude «rigide» du FMI, qui formulait «chaque demi-heure une nouvelle exigence».

A son arrivée à Bruxelles, le ministre allemand, Wolfgang Schäuble, avait rappelé sa position intransigeante. «J'espère qu'on arrivera à un résultat», avait-il déclaré. «Mais cela suppose que les Chypriotes voient la situation de façon réaliste(...). La décision est dans leurs mains».

Le français Pierre Moscovici avait insisté sur la nécessité de taxer les dépôts les plus importants et de mettre fin à ce qu'il a qualifié d'«économie-casino». «Sinon c'est vous, c'est moi, c'est nous qui allons payer la facture».

«Nous avons une obligation de trouver un accord cette nuit car il faut assurer la stabilité de la zone euro», a prévenu le ministre luxembourgeois, Luc Frieden. Son homologue espagnol, Luis De Guindos, ministre d'un pays fragile, avait souligné qu'en cas d'échec, il pourrait y avoir «contagion» de la crise chypriote à d'autres pays de la zone euro.

En attendant, sur l'île, où les banques sont fermées depuis une semaine, les clients des deux plus grandes banques doivent composer avec une nouvelle limitation des retraits aux distributeurs à 120 euros par jour à la Bank of Cyprus, et 100 euros à la Laiki, selon l'agence CNA.

La colère monte dans le pays avec des manifestations organisées samedi et dimanche. Un engin explosif a légèrement endommagé une succursale de la Bank of Cyprus dimanche soir, près de Limassol, une station balnéaire au sud de l'île, ont indiqué des médias locaux.