Quand il porte veston et cravate, Eric Boyko est flamboyant. Il a le look Donald Trump et quand il parle, les mots se bousculent dans sa bouche. À 41 ans, le président de Stingray Digital, est un entrepreneur toujours aussi intense que lorsqu'il a fondé, adolescent, sa première entreprise de vente de t-shirts.

«C'est rare que je suis en complet-cravate, précise-t-il, mais ce matin, j'avais un conseil d'administration de la Banque de développement du Canada. Habituellement, je suis plus habillé plus relax.»

Eric Boyko ne s'en cache pas. Il a une passion qui le dévore et c'est l'entrepreneuriat. Une passion qu'il voudrait que plus de Québécois partagent, parce qu'il croit que la création de richesse pourrait être multipliée au Québec si davantage de jeunes lançaient leur propre entreprise.

«On a 30% moins d'entrepreneurs au Québec que dans le reste du Canada. Et au Canada, on a 50% moins d'entrepreneurs qu'aux États-Unis. C'est donc dire qu'il faut en faire plus si on veut se mesurer correctement au reste de l'Amérique», constate-t-il dès le début de notre entretien dans ses locaux de la Cité du multimédia.

Eric Boyko est un participant actif et militant de ce qu'il appelle le nouveau Québec inc. Membre du Young Presidents Organization depuis qu'il a 30 ans, membre du Cercle des présidents du Québec, il souhaite rehausser la visibilité de la garde montante des nouveaux entrepreneurs québécois.

«Dans les années 1980, les entreprises québécoises ont eu beaucoup de visibilité parce qu'elles étaient quasiment obligées de devenir des sociétés publiques pour obtenir un financement adéquat. Les nouveaux entrepreneurs restent privés parce qu'il y a beaucoup de capital privé de disponible. Mais on entend peu parler d'eux», observe Eric Boyko.

Il compte d'ici quelques mois réunir les 20 PDG des entreprises québécoises les plus dynamiques pour les amener à Toronto et les présenter à la communauté financière canadienne.

 

Entrepreneur dans le sang

 

Eric Boyko a toujours été entrepreneur. À 17 ans, étudiant au Cégep Brébeuf, il créé une entreprise qui vend des t-shirts pour financer des activités scolaires. Après un an d'opération, il est implanté dans 200 institutions d'enseignement collégiaux et universitaires.

En 1991, il étudie en comptabilité à McGill et fonde le Campus Gourmet, un restaurant-traiteur qui fait la livraison de plats-santé sous vide.

«On avait 20 livreurs à bicyclette qui parcouraient sans arrêt le ghetto McGill. Le problème, c'est que notre fournisseur n'avait pas le bon équipement - les plats pouvaient être conservés 7 jours et pas 30 jours - et on a eu des cas d'empoisonnement alimentaire. Il a fallu rappeler 22 000 plats qui avaient été distribués. Ç'a été tout un choc.»

Pour renflouer les coffres de l'entreprise et payer le loyer mensuel de 10 000$ du restaurant de la rue Sherbrooke, Eric Boyko lance une levée de fonds. Chocolat, cartes à gratter, coupons-rabais, tout y passe. C'est là qu'est née l'entreprise eFundraising.com qui se spécialise dans la souscription de fonds pour le financement des écoles.

«On vendait des abonnements de revue:Elle, Reader's Digest...et les profits servaient à financer des activités para-scolaires. On a commencé au Québec puis dans le reste du Canada avant d'entrer aux Etats-Unis et le reste du monde. Quand j'ai vendu en 2000 on vendait 500 titres de magazines», se rappelle Eric Boyko.

C'est en mars 2000, un mois avant le krach des technos, qu'Eric Boyko vend eFundraising à ZapMe Corporation, 27 millions$US (40 millions$ canadiens à l'époque).

«On était déficitaire mais à l'époque, les ratios étaient fous. On a vendu à un prix qui représentait 15 fois la valeur de nos ventes. Mais ZapMe est rapidement tombée dans la crise et j'ai racheté eFundraising en septembre 2000 pour 2,5 millions$. Il fallait que je sauve les 100 emplois qu'on avait créés.»

Un an plus tard, Eric Boyko revend eFundraising à Reader's Digest pour 3,5 millions$. Il est demeuré président jusqu'en 2007 lorsqu'il fonde Stingray Digital avec Alexandre Taillefer, un autre millionnaire québécois du web, et Jean-Charles Sirois, le président de Télésystème.

 

Un joueur mondial«On cherchait à acquérir une entreprise de média numérique lorsqu'on a vu que le KARAOKE Channel était à vendre. Une opération avec 12 millions d'abonnés américains et 30 millions d'amateurs aux Etats-Unis. On l'a acheté», explique Eric Boyko.

«On voulait implanter le concept au Canada et on a approché le réseau de musique par satellite Galaxie qui appartenait à Radio-Canada. Ils venaient de prendre la décision de vendre Galaxie, on l'a acheté en 2009 avec l'appui financier de Novacap.»

Depuis 2009, Stingray a réalisé cinq autres acquisitions et se retrouve aujourd'hui comme principal distributeur de musique par câble et satellite au Canada et dans le monde.

«On a maintenant 70 millions d'abonnés dans le monde. On est présent dans 48 pays, on est un Astral mondial. Notre objectif d'ici cinq ans, c'est d'être présent dans 100 pays et de générer des revenus annuels de 400 millions de dollars», anticipe Eric Boyko.

Déjà, après seulement quatre années d'existence, Stingray Digital réalise un chiffre d'affaires de 50 millions$ et est profitable. L'entreprise emploie 200 personnes à Montréal, Londres, Charlotte, Los Angeles et Toronto.

«Montréal est notre centre nerveux où travaillent 125 personnes», insiste Eric Boyko qui se décrit comme Chief Energizing Officer dans ses communications officielles par courriel.