La plupart des faits reprochés aux accusés sont connus des observateurs qui ont suivi l'affaire depuis 10 ans. Les rapports de la firme Pricewaterhouse Coopers des Bahamas en ont rendu publique la plus grande partie en 2006. La firme se fondait sur les témoignages du financier Robert Daviault, en 2004, proche de l'organisation. Voici l'essentiel d'un texte, paru en mars 2006 dans La Presse, qui reconstitue la présumée fraude décrite par M. Daviault.

Le 2 mars 2000, c'est la panique dans l'entourage de Norshield. Le conseil d'administration de Cinar vient de découvrir que 122 millions de dollars américains ont été envoyés aux Bahamas et veut être remboursé. L'argent a été géré sur les conseils de Norshield et viré dans une coquille des Bahamas appelée Globe-X.

Le problème, c'est que Globe-X n'a pas l'argent. Les fonds du producteur de dessins animés Cinar ont été dispersés à droite et à gauche, et la stratégie d'investissement douteuse a fait fondre le magot. Pire: les documents justifiant les investissements sont incomplets ou inexistants. Bref, c'est la crise.

Divers conseillers proches de Norshield sont appelés en renfort pour gérer cette impasse, présenter Globe-X «sous un jour favorable» et maquiller les documents financiers. En plus du PDG de Norshield, John Xanthoudakis, on fait appel à Lino Matteo, PDG de Mount Real, de même qu'à Thomas Muir et Robert Daviault, de Globe-X. L'ex-vice-président aux finances de Cinar, Hasanain Panju, est également mis à contribution.

Une réunion est organisée dans un hôtel de Floride. Rapidement, de faux documents sont créés de toutes pièces pour justifier les investissements ou gagner du temps. L'objectif: donner l'illusion que tout est normal.

Selon Robert Daviault, le besoin de nettoyer (les états financiers de Globe-X) «faisait partie d'une stratégie, si vous voulez, pour reconnaître... certainement en mars 2000, que Cinar, leurs représentants sont peut-être en route et qu'ils nous diront: Nous voulons notre argent (provenant) du compte des obligations et si ce n'est pas là, où est-ce?»

Toujours selon M. Daviault, cette «stratégie» pour nettoyer le bilan «pour la plus grande part provenait de (Norshield) Montréal et je crois, encore, que c'était des discussions probablement entre M. Xanthoudakis et je crois M. Hancock, des Bahamas...»

Robert Daviault soutient que Lino Matteo, de Mount Real, aurait été mis à contribution pour gérer la crise de mars 2000, sans avoir de précision sur la nature de son travail.

De faux documents

Dans son témoignage, Robert Daviault admet avoir signé une fausse lettre au début de mars 2000 avec l'ex-comptable de Cinar, Hasanain Panju. Le faux document avait pour objet de donner plus de temps aux entreprises Globe-X pour rembourser leur dû à Cinar.

«Si Cinar nous dit: Nous voulons notre argent... nous aurions eu un problème. Alors nous nous sommes dit, bon, voyons si nous pouvons au moins rendre ça un peu plus solide en ayant ce document (NDLR: la fausse lettre)», dit M. Daviault.

Toujours pour embellir la situation des entreprises Globe-X, trois transactions ont été créées entre deux entreprises des Bahamas, selon le témoignage. Ces transactions totalisant 73 millions de dollars américains ont été faites sans qu'il y ait eu réellement virement de fonds. Elles impliquent une dizaine de PME du Québec.

Weinberg au courant

Selon Robert Daviault, Ronald Weinberg était au courant des virements de fonds aux Bahamas. Le 3 mars, lorsque les comptables et l'avocat de Cinar ont débarqué dans les bureaux des Bahamas pour demander des comptes, Robert Daviault dit avoir été estomaqué par la réaction de Ronald Weinberg et de Hasanain Panju.

«Les vérificateurs me disaient que Ronald Weinberg affirmait n'avoir aucune connaissance de ça (les virements)... À ce moment, j'ai regardé M. Weinberg et lui ait dit: «Comment pouvez-vous dire ça?» J'ai également regardé M. Panju, lui disant quelque chose comme: «Vous devez dire quelque chose, cet homme (M. Weinberg) affirme qu'il ne me connaît pas, qu'il ne m'a pas rencontré...» Et il n'y a eu aucune réponse (de M. Panju)», a raconté M. Daviault.

Selon le financier, les fondateurs de Cinar, Ronald Weinberg et feu Micheline Charest, de même que le comptable Hasanain Panju, auraient profité de transactions de change fictives pour empocher indûment près de 8 millions de dollars américains entre 1998 et 2000. Selon M. Daviault, John Xanthoudakis pouvait avoir été l'un des conseillers à l'origine de ces transactions.