À quelques heures du début d'un sommet du G20 tendu, le premier ministre canadien a sauté dans la mêlée et réitéré son appui aux Américains, dans la «guerre des monnaies» que se livrent les pays membres.

Au cours d'un bref point de presse, son premier depuis son départ pour l'Asie, mardi midi, Stephen Harper a justifié l'impopulaire assouplissement quantitatif de 600 milliards de la Banque fédérale américaine en disant que cette dernière n'avait aucun choix, compte-tenu de la dévaluation compétitive de certaines devises.

La Fed a été sévèrement critiquée par plusieurs, dont la Chine, l'Allemagne et le Brésil, qui l'accusent de faire cavalier seul pour relancer son économie et réduire la valeur de sa monnaie, mais de nuire par le fait même au reste des économies mondiales, en injectant trop de liquidités d'un seul coup.

«Le vrai problème pour notre pays, c'est que cette dépréciation du dollar américain nous fait porter un fardeau trop lourd, parce que certaines autres devises n'ont pas de flexibilité. C'est le vrai problème que l'on doit régler», a répliqué M. Harper.

Il s'agissait d'une flèche décochée vers la politique monétaire de la Chine, qui maintient la valeur de son yuan presqu'à parité avec celle du dollar américain, dans le but de favoriser ses exportations.

Ce dossier des déséquilibres commerciaux et de la valeur des devises nationales sème la zizanie au sein du groupe des 20, au point où des réunions entre représentants des États membres mardi et mercredi, ont donné lieu à des échanges intenses et la tentative de convenir d'une déclaration commune s'est soldée par un échec.

Certains espèrent que les réunions entre leaders, qui débutaient en soirée avec un souper de travail, pourront dénouer l'impasse. Mais le premier ministre Harper a tempéré les attentes, tout en exhortant à la patience.

«Est-ce que l'on va avoir une vraie résolution de ces problèmes ici? Je pense que non. Mais je pense que nous aurons au moins un dialogue important vers une résolution», a-t-il dit.

Au cours d'une réunion d'information, des hauts-fonctionnaires du gouvernement canadien ont expliqué que cet enlignement de la politique d'Ottawa avec celle de Washington allait dans le sens de nos intérêts économiques.

«40 % de notre output vient des exportations et 80% de nos exportations vont aux États-Unis. Donc la meilleure chose pour nous, c'est une économie américaine forte», a dit l'un d'eux.

Il a tout de même convenu que le Canada aurait préféré un autre scénario. «Nous ne sommes pas dans un monde parfait, a-t-il précisé. Mais dans ce monde, nous comprenons la raison pour laquelle les Américains ont fait ce qu'ils ont fait.»

Ces haut-fonctionnaires ont par ailleurs laissé entendre que la cible de 4 % du PIB évoquée par les Américains il y a quelques semaines, afin de plafonner les surplus ou les déficits des comptes courants, était devenue plus indicative que ferme. Cette cible est l'un des moyens mis de l'avant pour remédier au problème des déséquilibres commerciaux et de la dévaluation compétitive des devises.

«C'est toujours possible d'utiliser des limites comme un indice qui demanderait des réflexions sur pourquoi les comptes courants sont au niveau où ils sont», ont-ils vaguement expliqué.

Pour le reste, ils ont référé à l'entente de principe conclue par les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales, il y a trois semaines. Cette entente va d'ailleurs au-delà des simples points de discorde et prévoit entre autres l'adoption de mesures pour réglementer davantage le secteur financier et celui des banques.

Il faudra toutefois attendre le communiqué final du sommet, vendredi, pour en connaître davantage sur les engagements concrets que prendront les chefs d'États et de gouvernements des vingt puissances avancées et émergentes de la planète.

Par ailleurs, en attendant les rencontres des chefs, des manifestations ont eu lieu durant la journée de jeudi dans les rues de Séoul. Des centaines de militants internationaux, étudiants et membres de syndicats ont pris les rues d'assaut pour dénoncer les orientations du G20. Aucun incident violent n'avait été rapporté au moment d'écrire ces lignes, sauf celui d'une femme dans la trentaine qui a tenté, en vain, de s'immoler devant le centre des congrès où se tient l'événement.