Au Québec, seulement 12% des ingénieurs sont des femmes.

C'est trop peu, soulignent les intervenants du milieu. Et pour changer les choses, il faut convaincre les filles d'étudier en génie. Un message qu'il semble difficile de faire passer!

Les jeunes filles ne se bousculent pas aux portes des écoles d'ingénierie.

«Leur nombre est très inférieur à ce qu'il est dans les facultés de médecine. Si elles formaient le tiers des étudiants, alors on pourrait parler de mixité, mais c'est loin d'être le cas. À Polytechnique, elles forment 22% des étudiants cet automne, mais la progression est très lente», explique Diane Riopel, professeure titulaire au département de mathématiques et de génie industriel de l'École polytechnique de Montréal et co-titulaire de la Chaire Marianne-Mareschal pour la promotion du génie auprès des femmes.

Or, la contribution des femmes au génie, comme à toute profession, est nécessaire pour apporter une diversité de points de vue en milieu de travail.

«Ça prend le point de vue des hommes, des femmes et de tous les groupes de la société pour qu'une organisation soir plus performante. Les femmes apportent beaucoup de créativité, elles sont de bonnes gestionnaires et elles sont douées pour le travail d'équipe», dit Ève Langelier, professeure agrégée au département de génie mécanique à l'Université de Sherbrooke.

Mais comment convaincre les filles d'étudier en génie?

Il faut démystifier la profession et détruire les préjugés, croit Mme Langelier, qui a visité des écoles pour faire la promotion du métier.

«On constate que le génie n'est pas très connu de façon générale, et encore moins des filles et de leurs mères, qui ont une grande influence sur le choix de carrière.»

Avoir un impact sur l'être humain

Selon les résultats d'un groupe de réflexion mené par l'Ordre des ingénieurs, il ressort que les filles ne sont pas attirées par le génie parce qu'elles préfèrent des métiers qui auront, à leurs yeux, un impact direct sur le bien-être de l'humain et de la société, comme en santé.

Or, si le travail de l'ingénieur est omniprésent dans notre vie quotidienne, son impact, bien que très important, est moins évident à première vue. Faire connaître le génie à la communauté est un enjeu pour le recrutement d'une clientèle féminine.

«Il faut faire comme certaines universités américaines qui, pour attirer les filles, ont mis sur pied des projets communautaires visant à démontrer l'impact social des ingénieurs, dit Marie-Josée Potvin, ingénieure en dynamique des structures à l'Agence spatiale canadienne. Par exemple, on a conçu un vélo pour un enfant handicapé et son professeur qui s'assoyait en arrière, permettant à l'enfant de voir les paysages.»

Deuxième constat: les filles veulent des emplois où elles interagissent avec leur entourage.

Et malheureusement, le vieux cliché selon lequel un ingénieur est un «geek» qui travaille en blouse blanche seul dans son laboratoire est encore très répandu!

Rien n'est plus faux, croit Sylvie Beaugrand, diplômée en génie civil, ergonome et professionnelle scientifique à l'Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et sécurité du travail.

Pour ses mandats, elle est constamment en contact avec des équipes de chercheurs et avec des travailleurs qui ont besoin de son expertise.

Il y a quelques années, elle a travaillé sur un projet avec la STM pour améliorer le poste de travail des opérateurs de métro et prévenir leurs problèmes de santé.

«Dans les domaines reliés à la santé et à la sécurité au travail, on manque d'ingénieurs, dit-elle. C'est un secteur où l'on peut sentir directement l'impact positif sur la qualité de vie des gens.»

Travailler dans un milieu d'hommes

D'autres préjugés empêchent les filles de choisir le génie.

«Plusieurs croient qu'il faut être une grande bricoleuse, du genre à démonter son ordinateur ou sa radio, ou à passer son temps à jouer à des jeux vidéo comme les garçons, mais ce n'est vraiment pas nécessaire pour aimer le génie», dit Amélie Dagenais, étudiante de deuxième année en génie informatique à Polytechnique.

Il n'y a souvent que trois ou quatre filles dans la classe avec Amélie, car l'informatique est une des branches du génie peu populaires auprès des filles.

«Il faut s'adapter et s'habituer à une atmosphère où il y a juste des gars, mais une fois qu'on s'y fait, ça se passe bien», dit-elle.

Une fois sur le marché du travail, les ingénieures s'intègrent bien, croit Marie-Josée Potvin.

«Il n'y a pas d'obstacles pour obtenir les premiers emplois, dit-elle. Les femmes ont la réputation de faire du travail consciencieux. Par contre, quand on arrive à des tâches de leadership, la différence se fait sentir. Les gens sont habitués à ce qu'un leader, ce soit un homme grand qui parle fort. Il y a une transition de quelques années plus difficile, le temps que l'on s'habitue à l'image de cette femme comme leader.»

 

Heureuses au travail

Selon un sondage réalisé récemment par l'Ordre des ingénieurs du Québec:

83% des ingénieures sont très satisfaites de leur travail;

71% d'entre elles disent que leur travail répond à leurs attentes salariales;

74% d'entre elles disent que leur travail répond pleinement à leurs aspirations;

67% d'entre elles conseilleraient à leur fille une carrière en génie.

 

Quelques chiffres

En 2001 les filles représentaient

19% des étudiants en génie.

En 2007 elles représentaient 16,6%.

En génie biomédical, elles représentent 60% des effectifs 91% des diplômées en génie travaillent à temps plein.

De 1901 à 2005, seulement 5 prix Nobel en physique et en chimie sur 325 ont été décernées à des femmes.

Sources: Ministère de l'Éducation, des Loisirs et de la Science Chaire CRSNG- Industrielle Alliance pour les femmes en sciences et génie