Petite secousse la semaine dernière dans la communauté juridique montréalaise. Trois associés de Fasken Martineau ont claqué la porte pour se joindre à Blakes.

Contrairement aux directeurs généraux de la Ligue nationale de hockey, tous très occupés hier, Norm Saibil n'aura pas attendu la date limite des transactions pour bouger. Vendredi dernier, le patron du bureau montréalais de Blake, Cassels & Graydon (Blakes) est allé chercher ce «gros joueur de centre» capable de changer l'allure d'une partie à lui seul.

 

Que les partisans des Canadiens ne se réjouissent pas trop vite car ce n'est pas un hockeyeur. Il s'agit plutôt d'un avocat en droit des affaires de gros calibre, Yvon Martineau, ancien président du conseil d'Hydro-Québec, qui a décidé de changer d'équipe après une quinzaine d'années comme associé chez Fasken Martineau.

Chez Blakes, on espère que cette «acquisition» aura autant d'impact sur les affaires que si Vincent Lecavalier débarquait à Montréal pour piloter l'attaque massive.

En fait, ce n'est pas juste un avocat en solo qui débarque chez Blakes, mais un trio au complet! Réal A. Forest et Claude Marseille, deux associés du département de litige de Fasken, s'y joignent également.

La rumeur de ce départ en bloc courait déjà depuis quelques semaines et, s'il est vrai que les mouvements entre cabinets concurrents sont plutôt fréquents dans cette industrie, il est rarissime que trois associés d'expérience claquent la porte en même temps.

Dans la petite communauté juridique montréalaise, la nouvelle s'est d'ailleurs répandue à la vitesse d'un lancer frappé et a surpris bien du monde, y compris quelques associés-directeurs de grands cabinets concurrents dont certains se sont dits «estomaqués».

Il faut dire qu'Yvon Martineau n'est pas un avocat comme les autres. Il a la réputation de «rainmaker», comme on dit dans le milieu, un type capable d'aller chercher de gros clients aux poches profondes et de les conserver longtemps. Depuis des années, il est pour le Groupe Jean Coutu - dont il est aussi vice-président -, l'avocat qui pilote juridiquement toutes les transactions majeures. Il est aussi l'avocat transactionnel d'Agropur et a longtemps été l'avocat de choix du Mouvement Desjardins.

En fait, Yvon Martineau a tellement de clients parmi les grandes entreprises québécoises qu'on le surnomme dans la communauté des affaires «l'avocat du Québec Inc.».

Mais ses clients le suivront-ils chez Blakes?

«J'ai bon espoir» dit l'avocat de 62 ans, qui a accordé hier une courte entrevue téléphonique à La Presse Affaires après quelques heures de tergiversations.

Il est vrai qu'habituellement les clients suivent leurs avocats quand ils changent de bureaux. Dans ce cas-ci, ce n'est certainement pas de bonnes nouvelles pour Fasken, qui risque de perdre quelques millions de dollars par an en honoraires. Mais le cabinet est si diversifié que l'impact de cette désertion risque au bout du compte d'être marginal.

«Ce sont trois très bons associés qui nous quittent, ils ont choisi une route différente de celle qu'on leur proposait et on respecte leur décision», dit l'associé-directeur de Fasken pour le Québec, Claude Auger.

Pour Blakes, en revanche, l'arrivée d'Yvon Martineau et de ses acolytes va bien au-delà des heures facturables et représente une occasion unique de hausser sa notoriété et de se positionner comme cabinet de premier plan en droit des affaires dans le marché de Montréal.

Année après année, Blakes figure dans le haut des classements en fusions et acquisitions et est considéré comme l'un des meilleurs cabinets transactionnels au Canada. Mais au Québec, le bureau de Montréal est encore jeune - fondé en 2001 -, et bien que connu des avocats, demeure méconnu de la communauté des affaires. On compte sur la volubilité d'Yvon Martineau et sur son réseau de contacts pour changer la donne.

Yvon Martineau, lui, affirme avoir quitté Fasken et choisi Blakes non pas pour l'argent, comme certains le pensent, mais parce qu'il y a vu une occasion de faire davantage de transactions internationales. Il souligne que beaucoup de ses clients et des entreprises québécoises ont des visées dans le monde et ont besoin d'un tremplin juridique capable de les soutenir.

Avec des bureaux à Londres, New York et Pékin, Blakes est sans aucun doute l'un des cabinets canadiens les plus actifs dans les transactions internationales.

Mais Yvon Martineau souligne qu'il avait surtout besoin de changement - il n'a pas dit changer d'air, mais de mauvaises langues le supposent - après plus de 15 ans passés chez Fasken.

«J'ai encore beaucoup d'énergie et j'avais envie de faire de nouvelles choses.»

Vous avez des commentaires? Des questions? Des nouvelles sur la communauté juridique? N'hésitez pas à me contacter: renelewandowski@droit-inc.com

 

Peter Villani reste chez Fasken

Ça joue dur entre bureaux d'avocats, comme en témoigne ce coup de théâtre d'hier après-midi à Montréal. Peter Villani, l'un des quatre déserteurs de Fasken Martineau qui devait s'en aller chez Blakes a changé d'avis à la toute dernière minute: il reste chez Fasken. Il en a informé Blakes dans une lettre qu'il a fait parvenir au président du conseil de ce cabinet. Combien Fasken a-t-il renchéri pour qu'il reste? Mystère et boule de gomme. Ils ne seront que trois finalement à se joindre à Blakes...