Un peu plus de 37 milliards de dollars étaient placés dans des REER et CRI autogérés à la fin du troisième trimestre de 2008 au Québec. Qui sont les investisseurs qui veulent prendre eux-mêmes les décisions d'épargne-retraite?

Jean-Louis Gauvreau se qualifie d'indépendant d'esprit. Ce Montréalais estime qu'investir soi-même n'est pas qu'un placement financier: c'est aussi se cultiver soi-même.

«J'ai de la difficulté à laisser quelqu'un d'autre gérer mes placements, avoue-t-il en entrevue. J'ai la confiance d'imaginer que je peux battre les indices. Je m'améliore à ce sujet depuis des années. Les compétences que je gagne seront à leur sommet au moment le plus crucial, soit à l'approche de la retraite.»

Sans représenter tout le monde dans le monde du placement autogéré, M. Gauvreau donne un aperçu de ce qui peut se produire dans la tête de ceux qui prennent les rênes de l'épargne retraite.

Élodien Pépin, retraité, croit lui aussi en cette prise de contrôle.

«Quand j'ai commencé à mettre de l'argent de côté, j'avais des conseillers financiers, dit-il. Quand ça allait bien, c'était grâce à eux mais quand ça allait mal, c'était la faute du marché. J'ai voulu que toutes les situations découlent du marché!»

Il ne faut pas courir trop rapidement vers la maison de courtage la plus proche, toutefois. Tous les épargnants ne sont pas des investisseurs indépendants en herbe.

«Ça prend de la curiosité, de l'intérêt pour la recherche et du temps libre, avertit Jean Soublière, président de l'ACTIF, un groupe d'éducation sur le placement. Il faut pouvoir s'instruire afin d'analyser le marché. Les professionnels de l'industrie le font dans le cadre de leur travail.»

Faire ses devoirs fait la différence entre le profit et les pertes monumentales, surtout avec les actions.

«Il faut avoir une connaissance approfondie de la compagnie et du secteur dans lequel on prévoit, indique Jean-Louis Gauvreau. L'autre point important, qui est pratiquement génétique, c'est d'avoir la patience de gérer le risque. Surtout quand les résultats ne sont pas ceux que l'on espère au départ. Une fois sur deux, le titre de compagnie baisse la journée qu'on l'a acheté.»

Les gens impulsifs et mal à l'aise à l'idée de prendre une décision qui contredit la masse peuvent se mettre en danger en achetant des actions.

«Tout le monde en souffre un peu, reconnaît M. Gauvreau. C'est comme attendre l'autobus et voir tout le monde qui prend la direction contraire. Il est facile de penser que ce sont les autres qui ont raison.»

Les traits de caractère et l'apprentissage stimulent l'esprit critique, qui est vital. «On développe son propre point de vue et ça peut nous amener à prendre des décisions différentes de celles des autres, dit Jean Soublière. Cependant, même si l'investissement est une discipline individuelle, ce n'est pas mauvais de la pratiquer en groupe pour se faire défier intellectuellement. Aussi, sans les connaissances nécessaires, l'indépendance devient de l'entêtement. Il faut avoir l'humilité de reconnaître que le marché est plus fort que soi.»

Élodien Pépin estime que le travail qu'il effectue peut être valorisant, mais risqué.

«Tous ceux qui croient avoir trouvé un système y perdent. L'investisseur individuel doit absolument connaître la loi de l'offre et de la demande, les ratios financiers et d'autres critères d'évaluation. Sinon, on va à la guerre avec des tire-pois.»

Les investisseurs indépendants ont deux options pour répondre à leurs besoins d'autonomie: les courtiers de plein exercice offrent des conseils alors que le courtage sans conseil est plus économique.

Actif avec son portefeuille, M. Pépin apprécie la deuxième option. «Je paie 7,50$ par transaction. Auparavant, les frais limitaient ma marge de manoeuvre. Maintenant, si ça tourne mal, je vends et ça m'aura coûté seulement 15$, tout en limitant mes pertes.»

Le haut niveau d'activité n'est pas pour ceux qui commencent, fait savoir Jean Soublière.

«Pour les premiers achats, il faut réduire le risque avec la taille des positions et y aller pas à pas.»

Il préconise l'utilisation de deux types de comptes. «Ce qui semble être la norme est d'avoir un compte à escompte et un de plein exercice pour bénéficier du conseil d'un professionnel.»

Du moins jusqu'à ce que l'envie de voler de ses propres ailes devienne trop forte...