Retour à la normale ? Pas pour le transport interurbain par autocar, qui n’a jamais retrouvé son niveau de service d’avant la pandémie. Québec est interpellé de toutes parts.

« Ce qui n’a pas de bon sens, c’est que le transport par autocar n’a jamais été considéré comme du transport en commun parce que sinon, [les gouvernements] auraient été obligés de le financer. Donc ce sont des compagnies qui ont à s’autofinancer. On demande à une compagnie privée de faire un service qui devrait être un service public. Ça, c’est compliqué », souligne Catherine Morency, professeure à Polytechnique Montréal et titulaire de deux chaires en mobilité.

Une solution pourrait être de créer une autorité « qui aurait comme tâche d’organiser le transport interurbain et de donner les contrats à des privés pour exploiter ces lignes », avance André Lavoie, président de l’Association des transports collectifs ruraux du Québec (ATCRQ), qui regroupe 78 MRC offrant du transport collectif local.

Il y aurait une sorte d’entité qui tisserait la toile d’araignée pour gérer le transport interurbain. Comme ça, au moins, il y aurait de la planification plus orientée vers le bien commun.

André Lavoie, président de l’Association des transports collectifs ruraux du Québec 

Le secteur réfléchit à des pistes de solution depuis longtemps, assure la Fédération des transporteurs par autobus.

« Avant la pandémie, nous avions beaucoup de discussions et de tables de réflexion avec le ministère des Transports pour faciliter l’accès au transport interurbain, rendre les circuits plus fluides, que l’interconnexion soit plus efficace, qu’on rende ça un petit peu plus agile comme système », dit le PDG de la fédération, Luc Lafrance. « On est à reprendre ces discussions. »

Le Ministère avait donné un important mandat de recherche sur la mobilité interurbaine à Polytechnique en 2018, mais ces travaux ont été retardés par la pandémie. Mme Morency et son collègue Martin Trépanier doivent notamment réaliser une première enquête nationale sur les déplacements interurbains, qui couvrira une bonne partie de l’année.

PHOTO CAROLINE PERRON, FOURNIE PAR CATHERINE MORENCY

Catherine Morency, professeure à Polytechnique Montréal et titulaire de deux chaires en mobilité

Ce qui est difficile avec les déplacements de longue distance, c’est qu’ils ne sont pas fréquents, pas réguliers, et que c’est un petit pourcentage de la population qui en fait beaucoup.

Catherine Morency, professeure à Polytechnique Montréal et titulaire de deux chaires en mobilité

« Le modèle actuel ne fonctionne plus »

Au cabinet de la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, on dit avoir « octroyé plus de 15 millions de dollars en aide d’urgence » durant la pandémie. Et depuis le « retour à la normale », « c’est près de 716 millions qui sont investis pour conserver, accroître ou améliorer l’offre de services de transport interurbain, notamment », a en outre indiqué le cabinet de la ministre dans sa déclaration écrite, sans préciser ce qui était inclus dans cette somme.

Un soutien que le secteur « veut voir amélioré, et bonifié si c’était possible », dit M. Lafrance. On veut aussi « voir s’il n’y a pas d’autres soutiens qu’on pourrait obtenir pour mettre en place des plateformes du côté des billetteries, pour que ça puisse être plus fluide entre les différentes lignes de transport interurbain ».

Le transport interurbain « fait partie des différents chantiers qu’on a, on parle évidemment aux transporteurs », mais la réflexion pourrait être liée à celle sur le rôle des MRC et des régions dans l’offre de transport en région, indique Jonathan Guay, conseiller spécial au cabinet de la ministre.

« Si on arrive à mieux fédérer les régions et à favoriser les regroupements, est-ce qu’ultimement, il y aurait moyen d’avoir un momentum qui pourrait amener davantage de passagers vers l’interurbain, donc faire du rabattement et avoir de meilleures synergies ? »

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Sarah V. Doyon, directrice générale de Trajectoire Québec

Après avoir surtout milité pour les transports en commun ces dernières années, Trajectoire Québec a récemment décidé de s’attaquer au transport par autocar, « qui a beaucoup de misère », révèle sa DG, Sarah V. Doyon. L’organisme veut « arriver avec une proposition pour réformer le transport interurbain terrestre » au printemps prochain.

« À part que tout le monde s’entend que le modèle actuel ne fonctionne plus, il n’y a pas vraiment de proposition sur la table. », dit Mme Doyon.