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Est-ce qu’on peut utiliser le gazon transgénique pour contrer le réchauffement de la planète ?
— Jean Pellerin

C’est théoriquement possible, mais les premiers gazons transgéniques n’ont pas en priorité cet objectif.

« Le premier gazon transgénique est résistant à l’herbicide Roundup », explique Hong Luo, généticien de l’Université Clemson qui met au point un gazon plus fourni avec des subventions du département de l’Agriculture des États-Unis (USDA). « Mais il y a beaucoup de craintes que ce trait soit transmis à des mauvaises herbes. »

Le gazon Roundup conçu par le géant des semences de gazon Scotts et la société Monsanto s’est échappé d’un laboratoire en Idaho il y a 15 ans et a contaminé beaucoup de mauvaises herbes en Oregon, qui ont crû de façon incontrôlable. Une nouvelle version stérile, donc ne posant pas de problème de transmission de la résistance au Roundup, est offerte aux États-Unis mais pas au Canada.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’UNIVERSITÉ CLEMSON

Hong Luo, généticien de l’Université Clemson

« Le type de gazon choisi par Scotts est moins populaire. C’est peut-être une manière de tester le marché avec un produit marginal », note M. Luo, qui a lui-même travaillé sur un gazon résistant aux herbicides pour la société HybriGene, avant de travailler à Clemson.

Des organismes opposés aux OGM ont lancé en 2020 une pétition contre l’absence de réglementation du gazon OGM aux États-Unis. Cette absence de réglementation complique le suivi du dossier, selon Bill Freese, directeur scientifique du Center for Food Safety, qui suit le dossier depuis près de 20 ans. « Les approbations ne signifient pas que ces gazons OGM sont commercialisés, il n’y a aucun moyen de le savoir », dit M. Freese.

Le nouveau gazon OGM de Scotts et de Monsanto pousse moins vite, ce qui pourrait être compatible avec le combat contre les changements climatiques.

« Il y a beaucoup de recherches sur un gazon qu’il faut tondre moins souvent, et un gazon qui consomme moins d’eau, dit M. Luo. Ce sont des traits qui sont recherchés par beaucoup de consommateurs, mais ce gazon nécessite aussi moins d’entretien, donc produit moins d’émissions de gaz à effet de serre, et permet d’épargner les nappes phréatiques menacées par la sécheresse. »

Par contre, note M. Luo, un gazon qui pousse moins vite ne correspond pas aux objectifs des campagnes visant à laisser le gazon plus long pour favoriser les pollinisateurs.

Les acheteurs de semences de gazon sont très peu influencés par l’appellation OGM, selon Benjamin Campbell, un économiste agricole de l’Université de Géorgie qui a publié une étude sur la question en 2021 dans la revue HortScience.

« Ce ne sont pas du tout des gens qui ont une opinion sur les vertus ou les défauts de la technologie du génie génétique, dit M. Campbell. Ils veulent un gazon avec des qualités esthétiques qui ne nécessite pas beaucoup d’entretien. C’est compatible avec certains objectifs des changements climatiques, mais c’est un accident. Les gens qui sont le plus soucieux de contrer le réchauffement de la planète n’ont généralement pas comme priorité de planter du gazon. »

Un aspect des recherches de M. Luo qui sont financées par l’USDA est intéressant dans le contexte des changements climatiques. « Le gazon, s’il pousse bien, pourrait être transformé en éthanol, ce qui diminuerait les pressions sur les champs de maïs. »

Pourrait-on avoir un gazon moins sombre, pour moins absorber la chaleur du soleil ? « Je n’ai jamais vu de recherches en ce sens ni de demandes de consommateurs », répond M. Luo.

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