Un projet financé par les Instituts de recherche en santé du Canada tente de mieux comprendre comment une exposition à la nicotine par vapotage pendant l’adolescence peut augmenter le risque de développer des troubles de l’humeur ou des troubles anxieux plus tard pendant la vie.

Si l’association entre une exposition à la nicotine à l’adolescence et l’apparition subséquente de troubles de l’humeur est déjà bien documentée sur la base d’études longitudinales, ce qui se passe exactement dans le cerveau des jeunes reste mystérieux, et c’est ce que tentent d’élucider les chercheurs Jean Théberge et Steven Laviolette, de l’université ontarienne Western.

« On utilise des techniques de résonance magnétique spécialisées pour mesurer la connectivité dans le cerveau et pour mesurer les niveaux de neurotransmetteurs qui sont importants dans la gestion des symptômes de l’humeur et de l’anxiété », a résumé le professeur Théberge.

Le projet de recherche, qui s’est mis en branle il y a environ un an, comporte un modèle animal, pendant lequel des souris sont exposées à de la nicotine par vapotage, et un volet humain pour lequel les chercheurs sont à recruter quelque deux cents participants.

Il sera important pour eux de pouvoir compter sur un nombre important de participantes, a expliqué le professeur Théberge, puisque les études animales ont démontré une différence entre les mâles et les femelles en termes d’effets à long terme.

Les chercheurs veulent vérifier si la même chose se produit chez les femmes, d’autant plus que les mécanismes responsables de cet effet protecteur restent encore mal compris.

« C’est quand même assez bien accepté (par la communauté scientifique) qu’il y a un lien causal entre l’exposition à la nicotine durant l’adolescence et l’augmentation du risque de développer des maladies de l’humeur et de l’anxiété, a dit le professeur Théberge. Mais ça n’a pas été découvert en étudiant le cerveau, mais plutôt en observant des symptômes et la fréquence du développement des maladies de l’humeur. »

Le lien causal est solidement documenté chez les animaux, a-t-il précisé, puisqu’il est possible de contrôler tous les facteurs qui pourraient influencer le développement des troubles.

Mais du côté humain, les meilleures preuves scientifiques proviennent d’études longitudinales qui ont suivi pendant plusieurs années des adolescents pour déterminer s’il existait une différence entre ceux qui avaient été exposés à la nicotine et les autres, a indiqué le chercheur.

« Le problème, c’est qu’on ne sait pas ce qui se passe (dans le cerveau), a dit le professeur Théberge. Quels sont les mécanismes qui lient une exposition à la nicotine à l’apparition de ces symptômes ? Avec notre recherche, on essaie de mettre un mécanisme derrière les symptômes. Quels neurones sont affectés, quels neurotransmetteurs, et de quelle manière ? »

Les résultats de l’étude ne seront disponibles que dans quelques années, mais des résultats préliminaires semblent démontrer que les mécanismes de récompense dans le cerveau ― « ce qui permet de recevoir les petits plaisirs de la vie de tous les jours », a dit le professeur Théberge ― sont endommagés chez les gens qui ont été exposés à des niveaux élevés de nicotine à l’adolescence, comparativement à ceux qui n’y ont pas été exposés.

Des expériences menées sur des animaux ont permis de bien documenter les mécanismes en jeu. Elles ont aussi démontré qu’il est possible d’empêcher les effets néfastes à long terme de la nicotine sur le cerveau. Il est maintenant crucial de vérifier si ces connaissances sont transférables à l’humain, a dit le professeur Théberge.

L’adolescence est une période de la vie où le développement du cerveau en est à un stade fragile, a-t-il rappelé. Pendant cette période, d’une certaine manière, « on sort le sécateur et on coupe les connexions de bébé dont on n’a plus besoin et on renforce les connexions dont on aura besoin pendant notre vie adulte ».

« Mais si on est exposé à la nicotine et que ça endommage les connexions importantes pour notre vie adulte, ça peut avoir des conséquences à long terme », a prévenu le chercheur.