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À quoi sert un ordinateur quantique ?
— Marie Pépin

À moyen terme, à résoudre des problèmes trop complexes pour les ordinateurs traditionnels. Par exemple, ils rendront du jour au lendemain caducs tous les cryptages actuels. Cela pourrait donner un avantage immense au pays qui disposera le premier de cette technologie.

« Ce sont des machines qui vont servir des besoins très particuliers au départ », explique Claude Crépeau, spécialiste du domaine à l’Université McGill. « On a identifié quatre ou cinq applications déjà où un ordinateur quantique sera beaucoup plus efficace. Et il devrait y en avoir d’autres. »

Au début de mars, Google a lancé un prix de 5 millions US pour récompenser des démonstrations d’autres applications où l’ordinateur quantique sera essentiel.

Une puce d’ordinateur traditionnelle fonctionne en envoyant l’un de deux messages : soit un 0, soit un 1. L’ordinateur quantique a un nombre pratiquement infini de messages entre ce 0 et ce 1, explique M. Crépeau. « Ça permet des calculs beaucoup plus complexes. »

C’est ce qui explique qu’il révolutionnera la cryptographie.

Si on a un ordinateur quantique demain matin, tous les codes de chiffrement sont cassés. Tout le monde peut voir les informations cryptées.

Claude Crépeau, spécialiste du domaine à l’Université McGill

Depuis que cette capacité des éventuels ordinateurs quantiques a été confirmée, il y a 10 à 15 ans, les grandes puissances – Chine, Russie, États-Unis, par exemple – copient tout ce qui est déposé sur l’internet pour pouvoir le décoder quand elles disposeront de cette technologie, selon M. Crépeau. « Il y a une certaine urgence de changer les systèmes de chiffrement. Depuis une dizaine d’années, il y a un mouvement pour les remplacer par de nouveaux standards qui ne seront pas vulnérables. »

Les ordinateurs quantiques actuels sont l’équivalent de « jouets », selon M. Crépeau. « Ils fonctionnent, mais ils ont une mémoire et une fiabilité qui ne leur permettent de faire qu’une dizaine d’opérations. Il faudrait qu’ils soient capables d’en faire 10 000 ou 100 000 pour que ça soit utile. Ce qu’on sait, c’est qu’on va y arriver, d’ici 5 ans, 10 ans, 20 ans. »

Loi de Moore

Depuis quelques années, la miniaturisation des puces d’ordinateur traditionnelles a atteint des limites proches de la taille d’un atome. Ainsi, la « loi de Moore », qui prédisait en 1965 que le nombre de transistors par puce doublerait chaque année, pourrait bientôt être caduque.

« On est rendus à des distances de deux nanomètres entre les composantes d’une puce », explique Delphine Bouilly, physicienne de l’Université de Montréal qui travaille sur le sujet. « Ça équivaut à cinq ou six atomes. On ne pourra pas couper un atome en deux. On peut continuer à progresser avec de l’optimisation, l’intelligence artificielle et de nouveaux matériaux, mais il est possible qu’il y ait des limites à l’augmentation de la puissance des puces actuelles. »

Pour le moment, les puces quantiques ne sont pas destinées à remplacer les puces actuelles, selon Mme Bouilly et M. Crépeau. Mais contrairement à ces dernières, les puces quantiques n’ont pas cette limite de miniaturisation et pourraient donc éventuellement prendre le relais.

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