Chaque président des États-Unis souhaite imprimer sa marque dans l’histoire avec une loi, une décision, une mesure, un pacte adopté sous son administration. Alors qu’il tente de reconquérir la Maison-Blanche, quel héritage a laissé Donald Trump dans le sillage de son premier mandat ? Survol par thèmes.

La nation

PHOTO OLIVIER DOULIERY, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Les partisans de Donald Trump en route vers le Capitole le 6 janvier 2021

Contrairement à tous ses prédécesseurs à la Maison-Blanche, Donald Trump ne s’est jamais efforcé d’unifier la nation. C’est ce que retient Jason Opal, professeur au département d’histoire et d’études classiques de l’Université McGill.

« On pourrait se souvenir de M. Trump comme de la personne qui a mis fin à l’ordre constitutionnel, dit le chercheur, américain de naissance. Ou encore comme d’un populiste qui s’est approprié le Parti républicain. »

Pourquoi chercher à unifier la nation ? Parce que, contrairement à l’idée reçue qu’un peuple nationaliste est patriotique, « le nationalisme des Américains est complexe et fragile », poursuit M. Opal.

« Les États-Unis forment une nation très diverse et mal à l’aise avec l’idée de communauté, dit-il. Unifier la nation est donc un défi pour tous les présidents. Même [Richard] Nixon, même [George] Bush fils ont essayé de parler de bipartisanerie, de concitoyenneté, etc. »

Dominique Leydet, professeure de philosophie à l’UQAM, va dans le même sens. « Donald Trump dit des choses en public qui auraient tué la carrière de n’importe qui il y a 10 ans. Il n’a aucun respect pour les institutions dont il devrait en principe être le premier garant », dit cette chercheuse qui s’intéresse à la philosophie politique.

L’ordre constitutionnel auquel fait référence M. Opal renvoie évidemment aux évènements du 6 janvier 2021 au Capitole et aux tentatives faites par l’entourage de l’ancien président de modifier le résultat du vote, notamment en Géorgie. C’est ce que retient Valérie Beaudoin, chercheuse associée à la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques. « L’héritage de Donald Trump est teinté par la tentative d’inverser le résultat de l’élection de 2020 », dit-elle.

Même s’ils sont apparus après la fin de son mandat, les démêlés judiciaires de Trump vont aussi avoir du poids dans son bilan, ajoute Mme Beaudoin. « Il va entrer dans les livres d’histoire comme le premier ex-président accusé au criminel, dit-elle. Pas dans un, mais dans quatre procès ! »

Les relations Canada–États-Unis

PHOTO DOUG MILLS, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Donald Trump et Justin Trudeau lors du sommet du G7 à La Malbaie le 8 juin 2018

À Ottawa, le gouvernement Trudeau dit ouvertement se préparer à un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Et pour cause ! Le Canada – comme le Mexique – a été forcé de renégocier l’accord de libre-échange (ALENA) sous la première administration Trump.

« La nouvelle mouture de l’ALENA négociée sous Trump est très différente de la version antérieure parce qu’elle prévoit un mécanisme automatique de renégociation, indique Louis Bélanger, professeur titulaire de science politique à l’Université Laval. Le nouvel accord a une durée de vie de seulement 16 ans si on ne le renouvelle pas. Et on peut le renouveler tous les six ans. » Autrement dit, de nouvelles négociations pourraient s’ouvrir durant un deuxième mandat de Trump.

Mais M. Bélanger rappelle que depuis des années, les États-Unis sont moins chauds face au libre-échange et que le Canada a aussi eu à composer avec les administrations démocrates.

« Dans le domaine du commerce, contrairement à ce que l’on pourrait penser, il y a une certaine forme de continuité entre la politique commerciale de Trump et celle de [Barack] Obama, et certainement celle de [Joe] Biden par la suite, dit-il. Cela peut étonner, mais c’est une chose à laquelle a dû faire face le Canada de façon assez dure. »

La différence, elle est dans la manière. Dans le premier mandat de Donald Trump, l’heure était aux menaces de coercition, de sanctions. Le président haussait le ton.

« Trump est abrasif, mais les démocrates sont aussi protectionnistes envers le Canada. Et la méthode est différente, dit Victor Bardou-Bourgeois, de la Chaire Raoul-Dandurand. Trump défend le protectionnisme à coups de tarifs, alors que Joe Biden le fait en subventionnant certaines industries et certains produits américains. »

Les relations internationales

PHOTO EVAN VUCCI, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Donald Trump lors du sommet de l'OTAN le 4 décembre 2019 à Watford, en Angleterre

Parlant de protectionnisme, l’administration Trump de 2017-2021 en a fait son credo non seulement avec le Canada, mais aussi avec l’ensemble de ses partenaires.

« En politique étrangère, Donald Trump a ramené de vieilles idées populaires il y a quelques décennies ou même plus loin encore, l’isolationnisme et le protectionnisme économique », poursuit M. Bardou-Bourgeois.

Ce dernier nous ramène à la fondation du pays et aux principes de politique étrangère énoncés sous la présidence de James Monroe (1817-1825), mieux connus sous le nom de doctrine Monroe, à savoir que les États-Unis ne se mêlent pas de ce qui se passe en Europe et que les Européens ne mettent pas le nez dans « les Amériques », terrain d’influence des États-Unis.

Cet isolationnisme a été malmené avec l’entrée en guerre des États-Unis durant la Première Guerre mondiale, mais encore davantage dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre froide.

« Avec la fin de la guerre froide dans les années 1990, l’isolationnisme a commencé à faire son bout de chemin au sein du Parti républicain », relève Victor Bardou-Bourgeois.

L’isolationnisme de M. Trump se reflète aussi à travers ses sévères politiques migratoires.

Et sur le plan personnel ?

PHOTO ELIJAH NOUVELAGE, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Donald Trump s'adresse à ses partisans lors d'un rassemblement de campagne à Rome, en Georgie, le 9 mars

Donald Trump tient-il à son héritage ? Absolument, répond Bill Minutaglio, ancien professeur à l’Université du Texas et auteur d’une biographie de George W. Bush. Mais c’est un héritage tourné vers sa façon de faire.

« M. Trump tient beaucoup à son héritage, dit cet expert. Pour une bonne partie de sa vie, il a voulu inventer son héritage. Il s’en soucie, mais il se soucie autant du nom de Trump, une marque de commerce qu’il appose sur ses propriétés comme la Trump Tower. Tout ce qui l’éloigne de la possibilité de mettre son nom en valeur, comme les poursuites en justice, le blesse. »