À quoi pourrait ressembler un deuxième mandat de Donald Trump à la présidence ? Est-ce qu’il pourrait nous surprendre ? Si oui, dans quels domaines ? Ou bien restera-t-il dans les mêmes ornières ?

Un Donald Trump 2.0 à la Maison-Blanche ferait-il les choses différemment ? « Rien n’est impossible. Mais une des particularités de Donald Trump est d’être transparent, dit Victor Bardou-Bourgeois, chercheur en résidence à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques. Il dit clairement ce qu’il va faire et il le fait. »

M. Bardou-Bourgeois se rappelle la première campagne présidentielle de M. Trump, en 2016. Il croyait alors qu’il existait une marge entre le discours et l’action. « Je me disais : c’est du théâtre, de la rhétorique politique. Mais il le faisait. »

En termes idéologiques, Trump et le « trumpisme » ne changeront pas, estime Jason Opal, professeur titulaire au département d’histoire et d’études classiques de l’Université McGill.

« L’idée directrice d’une deuxième “administration” Trump – “régime” est probablement le meilleur mot – serait que l’Amérique a été exploitée par le reste du monde et que le pouvoir traditionnel des Blancs, hétérosexuels, chrétiens et hommes nés au pays devrait être fortifié de toutes les manières possibles, poursuit M. Opal. Il y aurait donc davantage d’interdictions visant l’immigration, d’expulsions, d’affaiblissement ou même d’élimination d’institutions et de programmes sociaux et du gouvernement lui-même. »

PHOTO DOUG MILLS, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le président Donald Trump s’adresse à la nation à partir du bureau Ovale le 11 mars 2020.

Moins de verrous institutionnels

Ce qui pourrait changer, c’est que les actions de Donald Trump se heurteraient beaucoup moins aux verrous institutionnels que dans son premier mandat, où des fonctionnaires de carrière lui ont barré la route.

Victor Bardou-Bourgeois donne l’exemple de Gary Cohn, conseiller économique, qui a littéralement volé dans le bureau Ovale un brouillon de lettre retirant les États-Unis d’un accord crucial de libre-échange avec la Corée du Sud. Le journaliste Bob Woodward raconte cet épisode dans son ouvrage Fear : Trump at the White House. Cohn craignait que ce projet fasse dérailler un autre accord sur la sécurité nationale permettant de détecter en sept secondes le lancement de missiles nord-coréens.

« Cette histoire illustre le fonctionnement à l’intérieur de la Maison-Blanche, poursuit M. Bardou-Bourgeois. Mais dans un deuxième mandat, il risque d’y avoir moins de garde-fous si M. Trump installe davantage de loyalistes et de yes men » à des postes stratégiques.

« Les institutions ont bien résisté au premier mandat de Trump comme elles ont bien résisté à la présidence de Jair Bolsonaro au Brésil. Mais la question est de savoir combien de temps il faut à ces institutions pour se déglinguer », observe Dominique Leydet, professeure de philosophie à l’UQAM dont un des champs d’expertise est la philosophie politique. Avec Trump à la Maison-Blanche, les risques sont réels de se retrouver avec un personnel politique servant le parti au lieu de l’État, ajoute-t-elle.

D’aucuns voient cette réalité se profiler à travers le « Projet 2025 », feuille de route établie par le groupe de réflexion d’extrême droite Heritage Foundation et visant à mettre à la porte des dizaines de milliers de fonctionnaires fédéraux afin de les remplacer par des fidèles de Trump.

Lorsqu’on demande à Jason Opal de quelle façon Donald Trump pourrait nous surprendre dans un second mandat, il répond : « Il nous surprendrait, je pense, par les efforts déployés pour se venger de ses détracteurs. D’une manière importante, l’Amérique ne serait plus un pays “libre” dans lequel l’État de droit prime sur la volonté de chacun. »

PHOTO KEVIN LAMARQUE, ARCHIVES REUTERS

Rencontre entre le président Donald Trump et son homologue chinois Xi Jinping le 29 juin 2019

Politique étrangère

Enfin, un second mandat de Donald Trump pourrait être teinté d’un nouveau virage en matière de politique étrangère, croit Victor Bardou-Bourgeois.

« Ça ne serait pas étonnant que Trump coupe l’aide militaire à l’Ukraine, dit-il. On tomberait aussi dans de nouvelles querelles commerciales avec la Chine comme ce fut le cas sous sa première administration. Et on peut s’attendre à une posture plus belliqueuse envers certains pays, dont l’Iran. »