(New York) S’arrêtant un instant devant la Trump Tower, le long d’une artère dont la renommée ne tient plus seulement à ses musées d’art, ses magasins de luxe et ses résidences de milliardaires, Maurice Perez contient à peine son indignation.

« Donald Trump est un homme qui dénigre les gens, qui les insulte et qui a même dit qu’il pourrait abattre quelqu’un dans la 5Avenue sans perdre d’électeurs », lance ce messager de cour, âgé de 62 ans. « Savez-vous ce que cela signifie ? Cela signifie qu’il pense être au-dessus de la loi, qu’il peut faire ce que bon lui semble, et ses adeptes crédules ne diront rien. »

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Le messager de cour Maurice Perez, devant la Trump Tower

« Voilà pourquoi je ne perdrai pas une seconde de sommeil si Letitia James saisit sa tour », ajoute-t-il en faisant référence à la procureure générale de l’État de New York, qui a eu gain de cause contre Donald Trump dans un procès pour fraudes où ce dernier a été condamné à 464 millions de dollars de réparations financières, en février dernier.

Non loin de lui, John Burke, un retraité de 67 ans, parle également d’un sommeil serein en évoquant la saisie éventuelle de la Trump Tower.

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John Burke vend des macarons anti-Trump devant la Trump Tower

« Mon objectif est de faire disparaître Trump de notre vie politique », dit cet ancien relationniste, tout en vendant des macarons anti-Tump devant le 725, 5Avenue, jeudi dernier. « Si la saisie de sa tour peut précipiter sa chute, je n’aurai aucun mal à dormir, même si je ne pourrai plus vendre de macarons. »

Le hic, c’est que Letitia James ne peut pas saisir la Trump Tower. Pourquoi ? Parce que le gratte-ciel de 58 étages n’appartient pas à Donald Trump.

Il s’agit d’une des curiosités et des difficultés auxquelles la procureure générale sera confrontée si l’ancien président ne parvient pas, ce lundi, à fournir une caution de 454 millions de dollars pour en appeler du jugement de février dernier, ou à gagner du temps (il n’est pas certain que l’entrée en Bourse de Truth Social ce lundi puisse l’aider à court terme, et ce, même si elle pourrait l’enrichir de 3 milliards de dollars sur papier).

La Trump Organization est le propriétaire de la tour

Qu’à cela ne tienne : Donald Trump a laissé entendre la semaine dernière que Letitia James pourrait saisir la Trump Tower (la procureure générale pourrait préférer entamer des procédures pour saisir d’abord les comptes bancaires de l’ancien président).

« Gardez vos sales pattes loin de la Trump Tower ! », pouvait-on lire dans le titre d’un courriel de collecte de fonds envoyé par le candidat présidentiel du Parti républicain à ses partisans. « La procureure générale démocrate radicale Letitia James veut saisir mes propriétés à New York. Cela inclut l’emblématique Trump Tower. »

Il s’agit peut-être de l’ultime arnaque.

Donald Trump est propriétaire du triplex situé au sommet de la Trump Tower, appartement dont il a triplé la superficie dans des documents financiers afin d’en augmenter la valeur de façon frauduleuse, selon le juge Arthur Engoron.

La Trump Organization, elle, possède la partie commerciale de la tour, y compris le Trump Grill (« peut-être le pire restaurant d’Amérique », selon le magazine Vanity Fair) et le 45 Wine & Whiskey Bar, devant lequel Brian et Michelle Doyle ont pris la pose, vendredi dernier.

Originaire de Floride, le jeune couple ne voit rien d’autre qu’une « vendetta politique » dans la poursuite intentée par Letitia James contre Donald Trump.

« Elle a déclaré durant sa campagne qu’elle s’en prendrait à lui. Elle tente de remplir sa promesse. Tout cela est politique », dit Brian.

Michelle prend le relais. « Pourquoi ne s’en prennent-ils pas à Biden, qui a reçu des chèques de la Chine et de l’Ukraine ? Si l’on parle de corruption, Biden a fait bien pire », dit-elle en faisant siennes des allégations que les républicains du Congrès n’ont pas réussi à prouver malgré plusieurs mois d’enquête.

« Tous ces procès prouvent qu’ils ne veulent pas affronter Trump sur le terrain politique parce qu’ils savent qu’il va gagner, comme il a gagné en 2020 », ajoute cette trumpiste, persuadée que son candidat favori a été victime d’une fraude électorale à la dernière présidentielle.

Trump Building

Quelles que soient ses motivations, Letitia James a déjà ciblé la tour qui l’intéresse à New York. Il s’agit du Trump Building, aussi connu sous le nom de 40 Wall Street, considéré comme le plus important actif immobilier de Donald Trump.

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Le Trump Building, situé au 40 Wall Street à New York

Ce dernier n’en est pas le propriétaire, mais le « bail foncier », dont la valeur pourrait s’élever à 220 millions de dollars, lui appartient.

Letitia James s’intéresse également aux propriétés de Donald Trump dans le comté de Westchester, dans la banlieue nord de New York, soit le Trump National Golf Club, un parcours de golf, ainsi qu’un domaine privé appelé Seven Springs.

Mais revenons au 45 Wine & Whiskey Bar, où Carolyn Scott, fonctionnaire à la retraite, a rapporté avoir entendu la barmaid dire à un client qu’elle avait lancé une campagne sur le site GoFundMe pour aider Donald Trump à se sortir du pétrin financier. Cette campagne n’a pas fait long feu.

« Elle a dit que Steve Bannon l’avait contactée pour lui dire de mettre fin à sa collecte et de diriger les gens vers le site GoFundMe officiel », a déclaré la New-Yorkaise en faisant référence à l’ancien conseiller du président, qui aura son procès à New York en mai pour avoir escroqué des partisans de Donald Trump qui avaient versé de l’argent pour la construction d’un mur à la frontière sud.

« Ça valait la peine de m’arrêter à la Trump Tower, juste pour entendre ça », a-t-elle ajouté en s’esclaffant.

Coiffée d’une casquette MAGA, la barmaid n’a pas voulu confirmer à un journaliste ce qui pourrait être en fait l’ultime arnaque.