Que fera le petit panda à 15 h 26 le 8 avril prochain, à Granby ? Le léopard des neiges sortira-t-il de sa douce torpeur ? Le chameau se mettra-t-il à galoper ? Le macaque japonais exprimera-t-il un certain stress en se montrant agressif vis-à-vis de ses petits camarades ?

C’est ce que l’équipe Conservation et recherche du Zoo de Granby veut découvrir. À l’instigation de l’astronome Pierre Chastenay, professeur de didactique des sciences à l’UQAM, l’équipe a concocté un projet de recherche pour constater l’effet de l’éclipse sur les pensionnaires du zoo.

« C’est un projet plutôt amusant, mais qu’on va transporter du côté de la sphère scientifique avec des observateurs, des données sérieuses, des protocoles très sérieux, affirme Patrick Paré, directeur de l’équipe Conservation et recherche. Ce n’est pas un enjeu de bien-être ou de santé animale. Il s’agit de voir si l’éclipse a un impact sur le comportement des animaux. »

Le Zoo de Granby se trouve directement sur la trajectoire de l’éclipse du 8 avril prochain. Pendant trois minutes, il y fera nuit. L’équipe Conservation et recherche se prépare à l’évènement depuis des mois.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

On observera le comportement de certains oiseaux, comme la grue du Japon, durant l’éclipse.

Espèces particulières

Il a fallu prendre plusieurs décisions. Quelles espèces observer, par exemple. Il aurait été impossible d’observer le comportement de tous les animaux du zoo.

« On voulait des mammifères et des oiseaux, indique M. Paré. On voulait des animaux diurnes, des animaux nocturnes. On voulait des paires, des groupes, on voulait aussi avoir des espèces qui avaient été étudiées pour pouvoir comparer nos données avec la littérature scientifique. »

L’équipe du Zoo de Granby a finalement constitué une liste de 12 espèces, qui comprend notamment les petits pandas, le léopard des neiges, les chèvres tahr de l’Himalaya, les zèbres, les chameaux, les dromadaires, l’ours himalayen et les autruches. Dix observateurs noteront les différents comportements des animaux de 14 h à 17 h le jour de l’éclipse, mais aussi deux jours avant et deux jours après. Ils suivront un protocole serré, soit une observation à chaque minute pour chaque spécimen, à partir d’un éthogramme comportant 21 comportements possibles.

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Comment réagira l’ours himalayen à l’éclipse ?

« Ce sont 38 000 données qui vont être prises pendant ces cinq jours, indique M. Paré. C’est un bon petit défi. »

Le zoo sera fermé au public le 8 avril, mais uniquement parce qu’il est toujours fermé le lundi à ce temps-ci de l’année. L’étude pourrait avoir lieu en présence de visiteurs, mais ceux-ci auraient été invités à faire preuve de modération pendant le déroulement de l’éclipse : une salve subite d’applaudissements pourrait fausser les comportements des animaux.

« Notre hypothèse de départ, c’est que les animaux normalement diurnes vont se préparer à aller faire dodo quand la noirceur va arriver, alors que les animaux nocturnes devraient peut-être être plus actifs », explique Patrick Paré.

La littérature montre qu’effectivement, des oiseaux se perchent en hauteur lorsque l’obscurité s’installe. Des animaux qui vivent en groupe se rassemblent ou se déplacent vers leurs quartiers de nuit. Des animaux qui aiment la fraîcheur de la nuit, comme les chameaux, s’activent.

« On a remarqué dans un des zoos que les chameaux se mettent à courir davantage lors d’une éclipse, note M. Paré. Peut-être que nos chameaux vont aussi se mettre à courir, ce qu’on voit rarement. On a hâte de vérifier ça. »

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Le léopard des neiges est normalement une espèce nocturne.

Le léopard des neiges du Zoo de Granby, une espèce nocturne, pourrait aussi s’activer. Les chèvres tahr pourraient se rassembler. Le lophophore, un grand oiseau, pourrait se percher dans un arbre.

« En ce qui concerne nos macaques japonais, ça nous intrigue beaucoup parce que dans la littérature, on trouve chez les primates des comportements un petit peu particuliers, comme plus d’agressivité chez les chimpanzés. On a vu des chimpanzés monter en hauteur et observer le soleil. »

Les animaux se rendent-ils compte qu’il se passe quelque chose d’anormal ?

« Je pense qu’ils vont simplement penser que c’est la nuit qui arrive, ou ils ne penseront rien, avance M. Paré. Mais on pourrait faire l’hypothèse que les primates ont peut-être plus de chances de percevoir un phénomène extraordinaire. »

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La réaction des macaques japonais face à l’éclipse pourrait être intéressante.

Projets ailleurs

L’équipe espère rendre publics les résultats de l’étude, peut-être par la voie d’une publication scientifique. Le Zoo de Granby est en contact avec celui de Fort Worth, qui va réaliser un projet semblable. Les zoos de Toledo et d’Indianapolis vont aussi recueillir des données.

La NASA a également entrepris un vaste projet de science citoyenne, en demandant aux Américains de noter les bruits de la nature avant, pendant et après l’éclipse.

De retour à Granby, on ignore encore comment réagira le petit panda.

« Il n’y a pas de données dans la littérature sur le petit panda, c’est pour cela qu’on voulait l’inclure dans le projet, précise Patrick Paré. Nous avons deux individus : vont-ils grimper dans les arbres parce qu’il fait noir et qu’ils veulent se protéger, ou vont-ils descendre au sol pour se rendre vers leurs quartiers de nuit ? Nous n’en avons aucune idée. »