La simplicité de la technique proposée par les chercheurs de l’Université médicale de Canton est séduisante : pour réduire la quantité de microplastiques dans l’eau potable, il suffit de la faire bouillir. Cinq petites minutes suffisent.

Publiée fin février dans la revue Environmental Science & Technology Letters, l’étude des chercheurs chinois promet de réduire de 25 % à 90 % la quantité de microplastiques dans l’eau bouillie. Mais deux chercheurs québécois sont sceptiques.

« Quand on fait bouillir de l’eau, on provoque la précipitation de carbonates », explique Sébastien Sauvé, un chimiste à l’Université de Montréal qui a publié plusieurs études sur les contaminants dans l’eau potable. « C’est ce qui fait qu’on a des dépôts blancs dans le fond des bouilloires. Ces carbonates vont entraîner avec eux certains microplastiques. De plus, quand le calcaire vient de se déposer dans le fond de la bouilloire, il est comme une éponge. »

La technique fonctionne cependant seulement quand il y a beaucoup de carbonates dans l’eau. « À Montréal, il y a une quantité modérée de carbonates, mais loin des concentrations associées à l’enlèvement de 90 % des microplastiques », dit Mathieu Lapointe, un ingénieur civil à l’École de technologie supérieure qui travaille sur l’enlèvement les microplastiques dans les usines de traitement de l’eau. « Mais à Laval, il y en a beaucoup moins. »

L’étude chinoise montre qu’avec une concentration de 100 milligrammes par litre de carbonates, bouillir l’eau permet de réduire de moitié la quantité de microplastiques. À 120 mg/L, la réduction des microplastiques est de 80 %, et à 300 mg/L, de 90 %. À Montréal l’eau contient 120 mg/L de carbonates et à Laval, 40 mg/L, selon M. Lapointe. « À mon chalet, l’eau du puits est très douce, presque à zéro », dit M. Sauvé.

Les carbonates dans l’eau bouillante ont le même effet que les « floculants » qui font précipiter les solides dans les usines de traitement de l’eau, explique M. Lapointe. « L’une des faiblesses de l’étude est qu’on n’a pas comparé à ce qui se passe dans les usines de traitement de l’eau. Est-ce que leurs floculants sont encore meilleurs que les carbonates ? C’est important de le savoir. Nous sommes justement en train d’évaluer la quantité de microplastiques qui sont éliminés par les technologies actuelles de traitement de l’eau, et comment on pourrait les modifier légèrement pour réduire la quantité de microplastiques. »

Les chercheurs chinois ont pris de l’eau potable du robinet de Canton, et y ont ajouté des billes de microplastiques de différents diamètres.

Santé humaine

L’autre problème que prévoit M. Lapointe est que faire bouillir l’eau peut décomposer les particules de microplastiques. « Il y a beaucoup d’incertitudes sur l’impact des microplastiques sur la santé humaine. Mais si les microplastiques sont des nanoplastiques, encore plus petits, ils peuvent potentiellement traverser les membranes des organes et des cellules du corps humain. Théoriquement c’est plus inquiétant. »

De plus, faire bouillir l’eau nécessite beaucoup de chaleur. « On veut éviter de gaspiller de l’énergie pour des méthodes de traitement de l’eau qui ne sont pas optimales », dit M. Lapointe.

N’empêche, ne devrait-on pas privilégier l’eau distillée ? « Si l’eau distillée est conservée dans des contenants de plastique, ils vont générer des microplastiques, alors on n’est pas plus avancés », dit M. Sauvé.

En savoir plus
  • 14 millions
    Nombre de tonnes de microplastiques enfouis dans les sédiments océaniques
    Source : Université Harvard