Pourquoi les éoliennes ne sont-elles pas l’une derrière l’autre pour profiter du vent que produit celle d’en avant ?
— Réjean Falardeau
Parce que, contrairement aux avions, les éoliennes ne poussent pas d’air derrière elles, mais ralentissent plutôt le vent.
« Une éolienne prend de l’énergie du vent, explique Bianca Viggiano, ingénieure mécanique de Polytechnique Montréal. Derrière l’éolienne, le vent est moins fort. Et il y a des turbulences, des tourbillons, par exemple. »
L’influence d’une éolienne sur l’air derrière ses pales s’étend jusqu’à une distance équivalant à neuf fois le diamètre de ses pales, selon Mme Viggiano. L’an dernier, des pales de 107 mètres de longueur ont été fabriquées en Gaspésie pour un client américain. En comptant le moyeu, cela signifie un diamètre de 220 mètres, donc une zone de turbulences et de vent plus lent de deux kilomètres derrière l’éolienne.
« La zone de turbulences derrière une éolienne peut être comparée au sillage d’un bateau », dit Michael Howland, un ingénieur civil du Massachusetts Institute of Technology.
Pour les parcs d’éoliennes, cela signifie un choix douloureux entre minimiser l’espace occupé et les turbulences, selon M. Howland. « Les pertes liées à la turbulence représentent de 10 % à 20 % de la production potentielle d’un parc éolien », dit-il. Il a publié en 2022 dans la revue Nature Energy un algorithme de conception des parcs d’éoliennes visant à minimiser ces pertes liées aux turbulences.
Question de turbulences
Les turbulences varient aussi selon le moment de la journée. « La nuit, les vents sont moins forts parce que la surface de la Terre est plus froide, alors la turbulence dure plus longtemps derrière l’éolienne, dit M. Howard. Quand les vents sont plus forts durant le jour, les turbulences se dissipent plus rapidement. »
Les premiers parcs d’éoliennes ont été conçus sans tenir compte des turbulences, dans les années 1980 et 1990, selon Mme Viggiano. À Polytechnique, elle fait des expériences en laboratoire avec des modèles réduits de turbines pour voir comment leur emplacement les unes par rapport aux autres influe sur les turbulences et l’énergie produite, sur la terre ferme et dans des bassins d’eau.
« Sur l’eau, on regarde l’effet des vagues sur la turbulence, dit-elle. Les pales sont de plus en plus grandes et donc sont de plus en plus proches de la surface de l’eau. Il faut donc tenir compte de l’interaction du vent avec les vagues. »
Il y a d’ailleurs beaucoup de recherches sur des éoliennes flottantes, dont l’altitude dépendrait des vagues. « D’ici 10 ans, il va y avoir beaucoup de parcs d’éoliennes flottantes », dit Mme Viggiano.
Une autre innovation qui a compliqué le calcul des turbulences, mais aussi créé des occasions d’optimisation, est la capacité des éoliennes modernes de se tourner pour faire face au vent, selon M. Howland.
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Source : Association canadienne de l’énergie renouvelable