Au début de la pandémie, des médecins ont avancé, sur la base de résultats très préliminaires, qu’un médicament contre la malaria serait efficace contre la COVID-19. L’hydroxychloroquine s’est rapidement révélée inefficace et même néfaste à cause de ses effets secondaires. Une étude internationale calcule que des milliers de morts auraient été évitées si les médecins avaient été plus prudents.

« Notre estimation est probablement minimaliste », avance Steeve Provencher, pneumologue à l’Université Laval, qui est l’un des coauteurs de l’étude qui sera publiée en février 2024 dans la revue Biomedicine & Pharmacotherapy. « Nous identifions la pointe de l’iceberg. Par exemple, nous n’avons pas de données pour l’Inde, où on sait que l’hydroxychloroquine a été utilisée contre la COVID-19. Et on n’a pas de données sur les patients qui ont eu une prescription d’hydroxychloroquine en clinique externe. »

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’UNIVERSITÉ LAVAL

Steeve Provencher

L’étude analyse la surmortalité liée à la prescription d’hydroxychloroquine dans 44 cohortes de patients COVID-19. Le nombre de morts dues à la prescription d’hydroxychloroquine est calculé pour six pays, dont les États-Unis (12 739 morts), la France (199) et l’Italie (1822).

Et au Canada ?

On n’avait pas de données. Mais on a l’impression qu’il y a eu moins de prescription d’hydroxychloroquine ici. Au Québec, je sais que l’utilisation a été plutôt faible contre la COVID-19.

Steeve Provencher, pneumologue à l’Université Laval

Quelle est la leçon à tirer de cet épisode de la pandémie ? « On comprenait qu’il y avait une urgence d’agir, mais il faut se rappeler d’être prudent en l’absence d’évidence probante, dit le DProvencher. On avait des données sur les rats, mais pas sur la toxicité sur l’humain. Et en juillet 2020, une grande étude américaine, Recovery, a conclu que l’hydroxychloroquine n’était pas efficace contre la COVID-19. Après ça en principe l’hydroxychloroquine ne devrait pas avoir été utilisée pour traiter la COVID-19. »

Quinine

L’hydroxychloroquine a été synthétisée, il y a un siècle, par des Allemands pour ressembler à la quinine, un médicament traditionnel autochtone fabriqué à partir de l’écorce d’un arbre sud-américain. Elle peut causer des dommages à certains organes et de l’arythmie.

Le DProvencher précise que les patients qui prennent de l’hydroxychloroquine pour d’autres raisons médicales, par exemple l’arthrite, le lupus ou la malaria, ne devraient pas craindre de poursuivre leur médication. « Ils devraient en parler à leur professionnel s’ils sont inquiets. »

Les auteurs principaux de l’étude de Biomedicine & Pharmacotherapy sont Français. L’hydroxychloroquine a fait les manchettes en France, en raison des affirmations controversées d’un médecin de Marseille, Didier Raoult, qui a défendu son utilisation et continue à le faire. Des procédures disciplinaires l’ont visé ainsi que certains de ses collaborateurs.

PHOTO CHRISTOPHE SIMON, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le controversé médecin français Didier Raoult a été l’un des plus fervents partisans de l’hydroxychloroquine contre la COVID-19.

En décembre, des chercheurs ont réclamé sur le site de prépublication OSF Preprints le retrait de toutes les publications du DRaoult sur le sujet. Et en décembre dernier, une loi sur la santé en France a introduit des pénalités de 15 000 euros pour la promotion de la désinformation médicale.

D’autres molécules qui, au début de la pandémie, étaient promues comme étant efficaces contre la COVID-19 se sont révélées inutiles. C’est notamment le cas de l’ivermectine, un traitement antiparasitaire.

Une version précédente de cet article ne mentionnait pas le lupus parmi les maladies pour lesquelles l'hydroxychloroquine est utilisée.

En savoir plus
  • 11 %
    Surmortalité due à l’hydroxychloroquine, selon l’étude Recovery
    Source : Biomedicine & Pharmacotherapy