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« Qu’est-ce qu’il y avait avant le Big Bang ? »

Richard Deschênes

On l’ignore, mais beaucoup d’astrophysiciens travaillent sur des modèles expliquant cette « singularité ».

« En cosmologie, on a un modèle qui explique l’expansion de l’univers après le Big Bang », indique Laurence Perreault-Levasseur, astrophysicienne à l’Université de Montréal. « Quand on rembobine le temps, l’univers est de plus en plus petit. Les distances physiques entre les choses diminuent. On arrive à un point où l’univers est tellement dense que les équations de l’expansion arrêtent de fonctionner. On a besoin d’une théorie pour raconter le Big Bang qu’on n’a pas en ce moment. »

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

Laurence Perreault-Levasseur, astrophysicienne à l’Université de Montréal

La densité de l’univers lors du Big Bang est infinie. « On appelle ça une singularité, dit Mme Perreault-Levasseur. Les équations qu’on a ne sont plus valides. C’est la même chose à l’intérieur d’un trou noir, il y a une zone extrêmement dense pour laquelle on n’a pas de théorie, qu’on nomme aussi une singularité. »

Ces efforts pour expliquer les singularités, notamment le Big Bang, font partie du défi général d’unifier la « relativité générale » et la « mécanique quantique ».

« Pour la vie de tous les jours, la physique newtonienne peut très bien expliquer les phénomènes, par exemple la vitesse et l’accélération d’une voiture ou d’une balle », dit l’astrophysicienne montréalaise, dont les travaux ont une forte composante mathématique. « Pour les masses et les distances plus grandes, la relativité générale fonctionne mieux. Le GPS, par exemple, fonctionne avec la relativité générale, qui est aussi nécessaire pour calculer l’orbite de Mercure parce qu’elle est très proche du Soleil. Ça ne veut pas dire que la mécanique newtonienne est fausse, mais qu’elle est une approximation de la relativité générale », poursuit la chercheuse.

Pour les échelles très, très petites par contre, on a la mécanique quantique, qui explique comment les particules comme les électrons se comportent parfois comme des ondes. « Les choses dans le monde de la mécanique quantique peuvent être à deux endroits en même temps. C’est un monde probabiliste, pas déterministe. C’est à cause de la théorie de la mécanique quantique qu’on a l’internet et les ordinateurs. »

Le hic, c’est qu’aux échelles très petites du Big Bang, il y a des « effets quantiques importants », mais aussi une très grande masse. « Normalement, la mécanique quantique fonctionne avec des particules peu massives. Quand il y a beaucoup de masse, c’est problématique. »

Les théories pour unifier la relativité générale et la mécanique quantique sont nombreuses, mais aucune ne fonctionne parfaitement. La plus prometteuse selon Mme Perreault-Levasseur est la « théorie des cordes », un modèle mathématique compliqué où les particules sont comme des cordes unidimensionnelles immensément longues. Mais il y a aussi des équations qui décrivent un espace infini avec plusieurs univers très différents où la lumière ne peut pas se rendre, aussi appelé « univers des bulles », ou alors des « rebonds » avec une série d’expansions et de contractions.

Un exemple de ce type de modélisations a été publié en 2017 dans la revue General Relativity and Gravitation par Juliano César Silva Neves, astrophysicien de l’Université fédérale d’Alfenas, au nord de São Paulo, au Brésil. Son étude postule notamment que certains trous noirs très anciens ont été créés lors de phases antérieures d’expansion ou de contraction de l’Univers. « J’ai fait mon doctorat sur la physique des trous noirs, explique M. Neves. J’ai essayé de leur appliquer les modèles de rebonds. »

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  • 13,8 milliards d’années
    Âge généralement accepté de l’univers
    Source : nasa