Chaleur
Contrairement à la plupart des espèces vivantes, l’humain peut s’adapter par ses comportements à des changements climatiques, au lieu de simplement migrer ou de voir apparaître des mutations bénéfiques pour la survie. Mais ces mutations génétiques existent aussi chez l’humain.
Les changements climatiques pourraient augmenter la quantité de rayons ultraviolets (UV) qui nous atteignent, rappelle Christopher Wills, biologiste émérite à l’Université de Californie à San Diego qui a publié en 1999 Children of Prometheus, où il affirme que l’évolution génétique humaine s’accélère. « Ça pourrait favoriser les pigments cutanés résistants aux UV, donc les peaux plus foncées. Les petits nez résistants au gel pourraient aussi devenir moins fréquents parce qu’ils seront moins nécessaires. »
Aussi « la résistance à la malaria et à la fièvre de Lassa, qui sont plus fréquentes dans les régions où ces maladies sont fréquentes depuis longtemps », note de son côté Scott Solomon, biologiste à l’Université Rice, à Houston, qui a publié en 2016 le livre Future Humans – Inside the Science of our Continuing Evolution.
Plusieurs siècles
Mais quand on dit évolution « récente » et « prochaine », on parle tout de même en termes de siècles. M. Wills considère par exemple comme « récente » l’adaptation voilà plusieurs millénaires des Tibétains à la vie en haute altitude, ou alors le teint pâle qui augmente la capacité à absorber les UV, nécessaires à la création de la vitamine D. Dans ces deux cas, il s’agit de gènes provenant de cousins disparus d’Homo sapiens, le Néandertalien et le Dénisovien. « Je dirais que ce genre d’adaptation génétique peut survenir en quelques douzaines de générations », dit M. Wills. En d’autres mots, en plusieurs siècles.
Et les mutations génétiques rapides ont leur lot de problèmes. « Les mutations les plus rapides, qui touchent un seul gène, ont souvent un coût, dit M. Wills. Par exemple, la résistance à la malaria augmente la prévalence d’anémie falciforme [une maladie chronique héréditaire qui touche 10 fois plus les Noirs que la moyenne de la population aux États-Unis]. Les combinaisons de gènes conférant un avantage évolutif mettent plus de temps à émerger, mais elles ont moins de désavantages, il s’agit d’une adaptation plus optimisée. »
Culture
Les recherches concernant les effets du climat sur l’évolution humaine portent surtout sur les comportements. Scott Solomon estime ainsi que l’impact le plus important du réchauffement de la planète sur l’évolution humaine découlera des migrations.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’humain a connu des migrations sans précédent, à cause des moyens de transport modernes. Ça va s’accélérer avec les changements climatiques. Ces migrations vont créer un brassage de gènes inouï, d’où émergeront plusieurs mutations difficiles à prévoir.
Scott Solomon, biologiste à l’Université Rice
À l’Université de Montréal, Julien Riel-Salvatore travaille sur le passage de l’homme de Néandertal à Homo sapiens. « Ensuite sapiens est passé d’un mode de vie de chasseur-cueilleur à la sédentarisation, avec l’agriculture, dit l’anthropologue. C’est l’évolution humaine ‟récente”. Depuis 50 000 ans, il y a clairement eu une adaptation de l’humanité au climat. Et ces adaptations sont culturelles. Il y a eu un bagage culturel transmis d’une génération à l’autre. »
« La capacité pulmonaire en haute altitude, une réduction de la propension à grelotter, la peau claire qui permet de métaboliser plus de vitamine D sont des adaptations de degrés plutôt que de fond, dit M. Riel-Salvatore. Ce sont des petites améliorations, pas de grands changements. Dernièrement, j’ai vu une nouvelle qui lie les cheveux frisés aux climats chauds, parce qu’ils aident à évacuer la chaleur. »
Sommeil
Parmi les comportements que les changements climatiques pourraient affecter, on retrouve le sommeil et l’exercice.
En étudiant une base de données internationale de mesure du sommeil par un bracelet (porté en permanence et donc donnant une indication objective du sommeil), des chercheurs danois ont par exemple calculé qu’on dort 10 minutes de moins si la température extérieure est de 20 ℃ plutôt que de 10 ℃, et 14 minutes de moins si elle atteint 30 ℃. « Oui, il y a la climatisation, mais dans les climats tempérés, son utilisation n’est pas toujours optimale », explique Kelton Minor, épidémiologiste à l’Université de Copenhague, auteur principal de l’étude publiée l’an dernier dans la revue One Earth.
Charles Morin, psychologue spécialiste du sommeil à l’Université Laval, estime que 14 minutes représentent une différence « importante ». « Oui, on peut s’adapter à la chaleur avec la climatisation, mais dans les pays pauvres, ce n’est pas toujours possible », dit M. Morin.
Exercice
Le réchauffement de la planète pourrait par ailleurs diminuer la pratique d’activités physiques, pourtant si bénéfique pour la santé.
« On fait moins d’exercice quand il fait très chaud, c’est démontré, dit Paquito Bernard, chercheur en activité physique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). L’activité physique augmente de 0 à 28 ℃. Ensuite il y a un plateau, puis ça descend rapidement. »
Des hivers plus doux ne compensent pas l’activité physique moindre en été, et les gens ne vont pas davantage au gym lorsqu’il fait trop chaud, selon lui. « Des études australiennes sur les personnes âgées ont montré que quand il fait chaud, les gens ne font pas plus d’exercice à l’intérieur même s’ils en font moins à l’extérieur. »
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- Augmentation de la température mondiale moyenne à chaque décennie, entre 1880 et 2020
Source : NOAA- 0,18 °C
- Augmentation de la température mondiale moyenne à chaque décennie, entre 1980 et 2020
Source : NOAA