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Est-ce qu’il y a des options pour les patients qui sont intolérants aux statines ?

Jacques Béland

Oui. Il y a eu beaucoup de travail sur la question des douleurs musculaires liées aux statines, l’effet secondaire le plus fréquent, depuis quelques années.

Les statines sont des médicaments anti-cholestérol pris par environ le quart des adultes après l’âge de 40 ans, les hommes en prenant 30 % plus souvent que les femmes.

« La première étape a été de déterminer quelle proportion des patients ont des douleurs musculaires à cause des statines », explique George Thanassoulis, directeur de l’unité de cardiologie préventive et génomique au Centre universitaire de santé McGill. « Il y a une dizaine d’années, on parlait parfois de 30 % à 50 %. Maintenant, on sait que c’est plutôt 10 % pour des douleurs musculaires graves. »

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’UNIVERSITÉ MCGILL

George Thanassoulis

On sait aussi qu’il y a des statines qui donnent moins de douleurs musculaires à certains patients que d’autres. « Et si aucune statine ne fonctionne, on peut utiliser une autre molécule, qui est moins efficace, mais qui occasionne beaucoup moins de douleurs musculaires, dit le DThanassoulis. Et s’il faut diminuer davantage le cholestérol, on peut utiliser une molécule assez coûteuse, des inhibiteurs de PCSK-9, qui ne causent pas du tout de douleurs musculaires. »

Les inhibiteurs de PCSK-9, développés grâce à des chercheurs de l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM), ont révolutionné le traitement des cas d’hypercholestérolémie familiale, un taux de cholestérol extrême.

Selon le DThanassoulis, il est possible au Québec d’obtenir ces médicaments pour l’intolérance aux statines si plusieurs types de statines ont été essayés de manière rigoureuse.

En 2021, une étude de l’Université Harvard a montré que beaucoup de patients ayant des douleurs musculaires attribuées aux statines souffrent de l’« effet nocebo ». « C’est le contraire de l’effet placebo », dit le DThanassoulis. L’étude de 2021, publiée dans le Journal of the American College of Cardiology, suivait des patients à qui on prescrivait en alternance des statines et un médicament placebo ayant la même apparence. Les patients ignoraient s’ils prenaient une statine ou un placebo. Les douleurs musculaires étaient rapportées presque aussi souvent (90 %) avec le placebo qu’avec les statines.

« La première chose à faire avec un patient qui a des douleurs musculaires quand il commence les statines, c’est de l’écouter, dit le DThanassoulis. On ne va pas dire : “c’est l’effet nocebo”. Il faut faire des analyses pour quantifier le problème. Il y a des molécules associées aux douleurs musculaires. »

La compréhension de la manière dont les statines induisent des douleurs musculaires constitue l’une des grandes avancées de la dernière décennie, selon Robert Eckel, de l’Université du Colorado, qui a publié en 2019 dans Circulation Research une revue de littérature sur la toxicité des statines.

Diabète

Un autre effet secondaire associé aux statines, le diabète, est beaucoup plus rare que les douleurs musculaires, mais aussi plus problématique. « Il semble par contre que le risque soit surtout chez les prédiabétiques », dit le DThanassoulis. Les patients plus âgés font aussi plus souvent du diabète en prenant des statines que les plus jeunes.

En 2016, le DThanassoulis a publié dans la revue Circulation une étude montrant qu’en élargissant les critères de prévention primaire chez les patients plus jeunes ayant un très haut taux de cholestérol, on augmentait de 65 % le nombre de patients recevant des statines et on réduisait de 3 % sur 10 ans le risque d’évènement cardiovasculaire chez les nouveaux patients inclus dans le traitement.

Que sont les statines

Les statines peuvent être utilisées pour abaisser le taux de cholestérol d’un patient en prévention secondaire, après un évènement cardiovasculaire comme un infarctus, ou alors en prévention primaire, quand il y a des facteurs de risque autres qu’une cholestérolémie élevée, comme l’hypertension ou un historique familial de cardiopathie, chez des patients qui n’ont jamais eu d’évènement cardiovasculaire.

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  • 0,5 % à 1 %
    Proportion des patients prenant des statines qui auront du diabète comme effet secondaire
    Source : The Lancet
    10 %
    Proportion des patients prenant des statines en prévention secondaire qui éviteront un évènement cardiovasculaire durant un suivi de cinq ans
    Source : The Lancet