À l’hôpital Notre-Dame, à Montréal, des patients en psychiatrie sont hospitalisés pour une courte durée, d’un à trois jours seulement. Le temps de les stabiliser et de leur donner des outils pour un retour rapide dans la communauté. La Presse a fait une incursion dans cette nouvelle unité d’intervention brève, une formule que Québec souhaite multiplier partout dans la province.

À notre arrivée, le déjeuner vient d’être servi aux patients du 7e étage de l’hôpital. Le personnel soignant se réunit dans le petit bureau vitré au bout du corridor et résume les grandes lignes du dossier médical de chaque patient : un est agité, un autre est jugé menaçant, un troisième refuse sa médication. Les six chambres sont occupées. L’unité est au maximum de sa capacité.

L’Unité d’intervention brève en psychiatrie (UIBP) est en implantation depuis le mois de janvier à l’hôpital Notre-Dame, dans le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. On y accueille, pour une durée de 24 à 72 heures, des patients vivant des problèmes de santé mentale et une crise psychosociale ou suicidaire.

Avant la création du programme, les patients qui se présentaient à l’urgence étaient hospitalisés à long terme ou obtenaient leur congé de l’hôpital. Il n’y avait pas d’entre-deux. « Les rechutes étaient plus fréquentes, parfois ils se faisaient arrêter et revenaient avec les policiers. C’était plus difficile », dit l’infirmière clinicienne Louise Gendron, installée à son bureau situé à quelques mètres des chambres des patients.

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Le DStéphane Proulx et l’infirmière clinicienne Louise Gendron en poste à l’Unité d’intervention brève en psychiatrie de l’hôpital Notre-Dame

L’hospitalisation brève peut permettre aux patients de démarrer une thérapie et de créer un lien avec les professionnels de la santé.

Le 24 à 72 heures, ça peut faire une grosse différence. Certains au bout de 24 heures sont retombés sur leurs pieds. C’est extraordinaire.

Louise Gendron, infirmière clinicienne

L’unité permet aussi de libérer des places aux urgences et en psychiatrie « longue durée » pour les usagers qui en ont réellement besoin.

Éviter des traumatismes

L’équipe médicale s’entend : l’hospitalisation devrait être le dernier recours. « Il y a un traumatisme lié à une hospitalisation, quelle qu’elle soit. L’hospitalisation brève nous permet d’éviter de traumatiser davantage quelqu’un en le gardant sur nos unités internes », soutient le DStéphane Proulx, psychiatre et chef du service de l’urgence psychiatrique.

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Le DStéphane Proulx, psychiatre et chef du service de l’urgence psychiatrique à l’hôpital Notre-Dame

Depuis janvier, l’unité d’intervention brève a reçu 79 patients pour une durée moyenne de 2,7 jours. « La plupart du temps, on est surpris que certaines problématiques qu’on pensait être beaucoup plus complexes à régler soient réglées beaucoup plus rapidement », dit le DProulx.

Il estime que l’on peut encore « faire mieux pour accueillir les patients, pour leur donner un environnement qui va être plus confortable à l’intérieur des murs de l’hôpital et qui va être plus propice au rétablissement ». « C’est le pari qu’on fait ici », dit-il en pointant le corridor à ses côtés.

Désamorcer les crises

Sur l’unité, le calme règne. Plusieurs patients se reposent, leur porte entrouverte. « Ce matin, c’est tranquille », dit le préposé aux bénéficiaires Joël Samedy, qui vient de terminer la tournée de l’étage. Ça fait différent des derniers jours « très intenses », renchérit sa collègue Johanne Émond.

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Des jeux et des crayons sont à la disposition des patients dans la salle commune de l’unité.

Les deux préposés ont développé divers moyens pour divertir les patients et désamorcer les situations de crise. « On a des jeux, des activités, du bricolage, de la peinture. Ils peuvent écouter la télévision, dit Mme Émond de son ton rassurant. S’ils ont besoin de parler, on est là aussi. Des fois, les patients ont juste besoin de vider leur sac. »

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La coordonnatrice santé mentale du CIUSSS Centre-Sud, Marie-Andrée Veilleux, visite la salle d’apaisement.

Quelques mètres plus loin, une salle d’apaisement est en préparation. Un papier peint avec l’image d’un lac recouvre un des murs. Dans les prochaines semaines, des fauteuils et des matelas seront ajoutés pour rendre la pièce plus conviviale. Ici, les patients peuvent venir s’isoler – parfois pendant quelques heures – s’ils se sentent tendus ou anxieux. L’objectif est de limiter les moments de violence et autant que possible le recours aux mesures de contention.

De retour chez soi

Une fois leur séjour terminé, les patients continuent d’être accompagnés. Des travailleurs sociaux de l’équipe d’accompagnement bref en santé mentale dans la communauté (ABC) accompagnent les patients à leur premier rendez-vous à l’extérieur et prennent en charge les suivis médicaux et sociaux.

L’unité d’intervention brève en psychiatrie, l’équipe ABC et l’hospitalisation à domicile en psychiatrie découlent du Plan d’action interministériel en santé mentale 2022-2026. L’objectif est de réduire le nombre et la durée des hospitalisations en psychiatrie.

Québec souhaite que ces services soient élargis au reste de la province. « Ça fait partie de notre changement de culture, d’amener les soins vers la population », dit le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant. Le programme de l’hôpital Notre-Dame est l’une des huit unités d’intervention brève en déploiement dans la province.

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