Les morts liées aux opioïdes ont doublé au Canada sur trois ans, de 2019 à 2021, alors que les provinces des Prairies connaissent une hausse spectaculaire, principalement chez les hommes dans la vingtaine et la trentaine, selon une nouvelle étude qui demande des politiques publiques ciblées.

Des chercheurs de l’Université de Toronto ont analysé les morts accidentelles liées aux opioïdes entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021 dans les provinces des Prairies ainsi qu’en Colombie-Britannique, en Ontario, au Québec, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et dans les Territoires du Nord-Ouest.

Le Manitoba a connu la plus forte augmentation des morts par surdose chez les personnes âgées de 30 à 39 ans – atteignant 500 décès par million d’habitants, cinq fois plus qu’au début de la période d’étude. En Saskatchewan, le nombre de décès dans ce groupe d’âge a presque triplé en trois ans, tandis qu’en Alberta, le taux a augmenté de plus de 2,5 fois.

Au Québec, le nombre de décès par million d’habitants chez les 30 à 39 ans a quadruplé en trois ans, passant de 24 à 100.

Au Nouveau-Brunswick, ce taux est passé de 88 à 86 décès par million entre 2019 et 2021, après une baisse en 2020 à environ 66.

La Colombie-Britannique, qui a été l’épicentre de la crise des surdoses, a enregistré 229 morts par million pour ce groupe d’âge en 2019, grimpant à 394 en 2020. Toutes les données pour 2021 du service des coroners de cette province n’étaient pas encore disponibles lorsque les chercheurs ont terminé leurs travaux basés sur les informations recueillies par l’Agence de la santé publique du Canada.

À l’échelle nationale, le nombre annuel de morts par surdose d’opioïdes est passé de 3007 à 6222 au cours de la période d’étude de trois ans, ce qui, selon les chercheurs, a coïncidé avec des mesures sanitaires pandémiques qui ont réduit l’accès aux programmes de réduction des risques et imposé des restrictions aux frontières qui auraient pu augmenter la toxicité des drogues dans la chaîne d’approvisionnement.

L’étude a été publiée lundi dans le Journal de l’Association médicale canadienne.

« En outre, pour beaucoup, la pandémie a exacerbé les sentiments d’anxiété, d’incertitude et de solitude, contribuant ainsi à l’augmentation de la consommation de substances à l’échelle mondiale », ont aussi souligné les chercheurs.

L’auteure principale, Tara Gomes, a indiqué qu’une mort sur quatre concernait des personnes âgées de 20 à 30 ans, et plus de 70 % concernaient des hommes. Un porte-parole du service des coroners de la Colombie-Britannique a déjà souligné que 78 % des personnes ayant fait une surdose mortelle dans cette province entre 2019 et fin 2021 étaient des hommes.

La forte augmentation des surdoses mortelles – en particulier chez les jeunes adultes dans les Prairies – suggère que les provinces doivent agir rapidement, a déclaré Mme Gomes, une épidémiologiste qui a réclamé davantage de services de réduction des méfaits des surdoses, notamment des sites de consommation supervisée.

« Être lent et ne pas être aussi agile que nous le souhaiterions dans nos réponses peut avoir des impacts vraiment dévastateurs », a déclaré la professeure Gomes, également chercheure principale du Réseau ontarien de recherche sur les politiques en matière de drogues.

Bernadette Smith, ministre du Logement, de la Toxicomanie, de l’Itinérance et de la Santé mentale du Manitoba, a déclaré que la province prévoyait d’ouvrir son premier site de consommation supervisée à Winnipeg l’année prochaine et qu’elle offrirait également des appareils de dépistage de drogues afin que les gens puissent vérifier si leurs substances illicites sont toxiques.

« Malheureusement, le gouvernement précédent n’a pas adopté une approche de réduction des méfaits, a déclaré la néo-démocrate, dont le parti a délogé les progressistes-conservateurs l’automne dernier au Manitoba. Nous travaillons avec des organisations de première ligne parce qu’elles n’ont pas été écoutées ni appuyées au cours des sept dernières années dans notre province, ce qui constitue un réel problème. »

Le Manitoba prévoit aussi former des médecins de famille pour traiter la dépendance avec des médicaments, notamment le Suboxone et la méthadone, a déclaré la ministre Smith, soulignant que les médecins orientent généralement les patients vers des centres de désintoxication pour des soins. Elle a refusé de dire si les Manitobains auront accès à un approvisionnement plus sûr en drogues.

Une grande partie de l’approche actuelle de la toxicomanie exclut un grand nombre d’utilisateurs de drogues récréatives, a déclaré la professeure Gomes. Elle a déclaré qu’entre un tiers et la moitié des morts en Ontario concernaient des personnes sans diagnostic de trouble lié à la consommation d’opioïdes.

« Donc, se concentrer uniquement sur [le traitement en cure] est quelque chose qui me préoccupe beaucoup parce que nous devons vraiment nous assurer que nous avons différentes options pour différentes personnes. »

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