Les ordonnances de psychotropes chez les jeunes poursuivent leur augmentation au Québec, montre un rapport basé sur les données de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) et remis à des membres du gouvernement ce mois-ci. L’auteur prône un « changement de paradigme » pour mieux soutenir les jeunes sur le plan psychosocial.

Rédigé par Joël Monzée, docteur en neurosciences et éthicien, le rapport analyse l’évolution du nombre d’ordonnances pour quatre familles de psychotropes consommés par les moins de 26 ans : les psychostimulants, l’Intuniv, les antidépresseurs et les antipsychotiques. Environ 30 % des jeunes sont bénéficiaires de l’assurance publique au Québec.

Pour les psychostimulants (Ritalin, Concerta, etc.), ce sont 12 % des jeunes de 11 à 15 ans qui en consommaient en 2022, une proportion trois fois plus élevée qu’en 2005. Chez les jeunes adultes (16 à 26 ans), peu nombreux il y a 20 ans à avoir recours à ce type de médicament, 1 sur 13 en consomme désormais. L’Intuniv – une autre classe de médicament employée pour atténuer les symptômes d’impulsivité et d’hyperactivité – voit aussi sa popularité augmenter depuis sa mise en marché, en 2013 : chez les garçons âgés de 11 à 15 ans, 3,3 % en consomment.

Du côté des antidépresseurs, cinq fois plus de jeunes adolescents en consomment aujourd’hui (3,1 % en 2022 contre 0,6 % en 2005). Les femmes de 21 à 26 ans sont particulièrement nombreuses à y voir recours : c’était le cas d’une sur cinq en 2022, trois fois plus qu’il y a 20 ans.

Cinquante recommandations

Le rapport de Joël Monzée, rédigé avec la collaboration d’autres professionnels, énumère 50 recommandations. L’assurance médicaments publique devrait, selon lui, rembourser les services psychosociaux (psychologues, travailleurs sociaux, etc.), au même titre que les assurances privées, et les parents devraient aussi obtenir un crédit d’impôt pour ce genre de dépenses, dont celles en orthopédagogie.

Joël Monzée prône aussi le retour des formations techniques et professionnelles dès le début du secondaire. L’Institut national d’excellence en Santé et Services Sociaux (INESSS), écrit-il, devrait revoir les lignes directrices des troubles pédopsychiatriques pour impliquer d’autres ordres professionnels psychosociaux. Il est aussi nécessaire, selon lui, de poursuivre la réflexion sur l’utilisation des écrans.

Présidente du comité de psychiatrie de l’enfance et de l’adolescence à l’Association des médecins psychiatres du Québec, la pédopsychiatre Annie Loiseau explique l’augmentation des ordonnances de psychotropes chez les jeunes par deux grands facteurs : la hausse de la détresse dans la population et le manque de ressources, tant dans les hôpitaux, les CLSC que les écoles.

« Je ne vous cacherai pas, parfois, le manque d’accès à une ressource en temps opportun peut amener la prescription d’une médication », dit-elle. Selon la Dre Loiseau, il ne faut toutefois pas démoniser la médication, qui fait partie de l’arsenal de traitements. Souvent, dit-elle, c’est indiqué.

Le ministre Carmant se dit « très sensible »

Joël Monzée a envoyé son rapport à divers ministres, dont Lionel Carmant, ministre responsable des Services sociaux. Le ministre Carmant se dit « très sensible » à ces enjeux, indique-t-on à son cabinet. « C’est pourquoi nous avons mis autant d’emphase à investir plus pour le déploiement de services en santé mentale pour les jeunes […] », indique son attaché de presse, Lambert Drainville, qui donne entre autres l’exemple des cliniques spécialisées en TDAH, des Aires ouvertes pour les 12-25 ans et du programme Hors-Piste. À l’INESS, on indique que des mandats sont en cours : l’élaboration d’un guide pratique à l’intention des cliniciens pour soutenir la prise en charge du TDAH, et la documentation des interventions psychosociales et d’autres pratiques non pharmacologiques chez les mineurs présentant un TDAH.