En pleine pénurie de main-d’œuvre, 117 postes d’infirmières auxiliaires et de préposés aux bénéficiaires seront supprimés au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, a appris La Presse. Le CIUSSS souhaite revenir à une « certaine normalité » après des dépenses « extraordinaires » pendant la pandémie.

Ce qu’il faut savoir

Cent dix-sept postes d’infirmières auxiliaires et de préposés aux bénéficiaires seront supprimés dans des hôpitaux et des CHSLD du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal.

Le CIUSSS souhaite que les personnes touchées par les abolitions choisissent d’autres postes vacants au sein de l’organisation.

Le syndicat qui représente les préposés aux bénéficiaires juge la situation « absurde ».

« Il y a une pénurie de main-d’œuvre et de l’autre côté, ils font des coupes. C’est un non-sens », lance Michel*, un employé de l’hôpital Notre-Dame touché par la suppression de postes. « Je ne trouve pas ça normal que quelqu’un qui a plusieurs années d’ancienneté se fasse enlever de son département, alors qu’il manque tout le temps de personnel. »

Le CIUSSS explique les abolitions par un retour à « une certaine normalité » après le déploiement de « moyens financiers et humains extraordinaires pour être en mesure de passer au travers de la pandémie ».

« J’étais bouleversée. J’avais les larmes aux yeux. Je ne comprends pas. J’avais quelque chose de régulier, de permanent. Et on me l’enlève du jour au lendemain », mentionne Jeanne*, également employée de l’hôpital Notre-Dame, qui avait un poste de jour. « Ceux qui travaillent de 8 h à 16 h ont attendu des années pour avoir ce poste-là », se désole-t-elle.

Une centaine de postes supprimés

Au total, 117 postes seront supprimés, notamment 5 postes d’infirmières auxiliaires et 6 postes de préposés aux bénéficiaires aux urgences de l’hôpital Notre-Dame, ainsi que 5 postes de préposés aux bénéficiaires dans les unités de médecine de l’hôpital de Verdun. De plus, 15 infirmières auxiliaires et 86 préposés répartis dans 17 CHSLD perdront également leur poste.

« Ça a été des journées et des semaines extrêmement difficiles pour ces employés-là. Notre approche a été très rassurante, mais c’est sûr qu’on touche la vulnérabilité de gens qui venaient peut-être de se trouver une certaine sécurité d’emploi dans un lieu qui leur convenait », admet Frédéric Boulay, directeur adjoint en hébergement du CIUSSS.

Le CIUSSS souhaite que les personnes touchées par les abolitions choisissent d’autres postes vacants au sein de l’organisation. « Nous avons suffisamment de postes libres pour réembaucher, si elles le souhaitent, chacune des personnes touchées par cette réorganisation », indique la conseillère aux relations médias, Marianne Paquette.

Des abolitions de postes, ça peut paraître paradoxal dans le contexte actuel du marché de l’emploi, mais ça demeure qu’on a besoin de tout le monde.

Frédéric Boulay, directeur adjoint en hébergement du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal

M. Boulay soutient que le niveau de services pour la population restera inchangé.

Plusieurs postes vacants se trouvent toutefois de soir ou de nuit, indique Michel. Un horaire qu’il ne peut se permettre avec son enfant. Et les quelques postes de jour disponibles sont convoités par des employés avec davantage d’expérience que lui, soutient-il. Sans poste de jour, il envisage de se tourner vers une agence de placement ou de quitter le réseau de la santé.

« Si les gens souhaitent rester de jour, il y a quand même suffisamment d’options qui peuvent leur être offertes actuellement. Néanmoins ce ne sera pas nécessairement dans le centre d’hébergement ou dans le secteur qu’ils souhaitaient être », précise M. Boulay.

« Nous sommes conscients que cette nouvelle peut générer de l’anxiété, des questionnements et de l’inquiétude. Nous avons mis à la disposition de ces personnes des ressources de soutien psychologique », a précisé Mme Paquette.

Le porte-parole de QS « inquiet »

Le syndicat des travailleuses et travailleurs du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, qui représente les préposés aux bénéficiaires, juge la situation « absurde ». « L’employeur nous présente ça comme une réaffectation d’effectif, mais vous comprenez que pour n’importe quel travailleur, recevoir un avis d’abolition de poste, ça crée un petit traumatisme et, selon nous, c’est bien inutile », déplore le président du syndicat, Alain Croteau.

« Au moment où on essaie de ramener du monde dans le réseau et au moment où on essaie de se débarrasser de l’utilisation d’agences, je peux difficilement imaginer un pire message à envoyer qu’abolir le poste de gens qui sont là depuis des années. C’est parfaitement contre-productif », déplore Vincent Marissal, porte-parole de Québec solidaire en matière de santé.

La situation lui rappelle « de très mauvais souvenirs de rondes de compressions et de rationalisation ».

On sait qu’il va manquer d’argent en santé. Le ministre [Dubé] a lui-même dit que Santé Québec, c’était la bonne occasion de faire le ménage dans les programmes.

Vincent Marissal, porte-parole de Québec solidaire en matière de santé

Vincent Marissal se dit « assez inquiet pour la suite des choses. » « En ce moment, il faudrait plutôt garantir les postes des gens qui sont encore avec nous dans le public », estime-t-il.

Le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal n’est pas le seul à devoir procéder à des suppressions de postes. Le CIUSSS de la Capitale-Nationale a mis fin aux contrats de 11 kinésiologues qui se consacraient à temps plein aux 29 CHSLD de la région de Québec, a rapporté Radio-Canada lundi. C’est désormais aux préposés aux bénéficiaires que reviendra la charge de faire bouger les résidants.

* Les noms ont été modifiés, les employés craignant des représailles.