Un « ange gardien » formé en accéléré comme préposé aux bénéficiaires pendant la pandémie a profité de son poste dans un CHSLD pour agresser sexuellement une patiente de 84 ans. Rodrigo Ivan Rojas n’avait pas l’impression de faire du mal à sa victime, qui appréciait même ses « soins », selon lui.

Ce qu’il faut savoir

  • Rodrigo Ivan Rojas a agressé sexuellement une patiente de 84 ans dans un CHSLD de Sainte-Anne-de-Bellevue.
  • L’accusé avait reçu la formation accélérée pendant la pandémie pour devenir préposé aux bénéficiaires.
  • Il a été condamné lundi à 27 mois de prison.

« Monsieur, on vous a confié un emploi de confiance très important. C’est un emploi essentiel dans la santé. Et vous avez déshonoré tous ceux qui acceptent d’occuper cet emploi essentiel avec dévouement », a sermonné le juge Christian M. Tremblay.

Rodrigo Ivan Rojas a plaidé coupable lundi au palais de justice de Montréal à une accusation d’agression sexuelle. Le juge lui a imposé une peine de 27 mois de détention, suggérée par les parties. Dans les faits, il ne lui reste qu’un jour de prison, comme il est détenu depuis son arrestation en 2022.

L’ex-banquier de 49 ans a répondu à l’appel de François Legault pendant la pandémie de COVID-19. Il faisait partie des milliers de Québécois qui ont reçu une formation accélérée pour prêter main-forte comme préposé aux bénéficiaires. Il s’est donc fait embaucher au CHSLD de l’hôpital Sainte-Anne, dans l’ouest de Montréal.

En décembre 2021, Rodrigo Ivan Rojas s’en est pris à une patiente vulnérable de 84 ans pendant la nuit. Il lui a fait signe de se taire et l’a agressée sexuellement en la pénétrant. La femme, dont l’identité est protégée, disait avoir peur de lui. Elle le dénoncera à sa famille le surlendemain. L’ADN de l’employé a été retrouvé sur le lit.

Rodrigo Ivan Rojas n’a reconnu qu’une seule agression lundi. Or, selon la preuve à l’enquête sur remise en liberté, l’accusé a avoué aux policiers avoir agressé sexuellement la victime à une vingtaine de reprises. De façon étonnante, il a ajouté que la victime était « très réceptive » aux actes sexuels.

La victime de 84 ans avait non seulement un problème de mobilité, mais avait en plus beaucoup de difficulté à parler.

« Monsieur va expliquer […] qu’il lui donnait du plaisir, qu’il la masturbait, qu’il faisait son possible pour être professionnel […]. Il a détecté du plaisir chez Madame dans son non-verbal, puisqu’elle n’était pas très volubile. Qu’elle semblait à l’aise de la façon dont elle s’agrippait à lui », a relaté le procureur de la Couronne Me Jérôme Laflamme lors de l’enquête sur remise en liberté en octobre 2022.

Le juge semblait choqué

Interrogé par les policiers après son arrestation, Rodrigo Ivan Rojas a détaillé les gestes sexuels qu’il commettait régulièrement à l’égard de la victime. Pendant l’interrogatoire, il peinait à comprendre ce qu’il avait fait de mal et disait n’avoir « rien fait de différent que les autres fois », selon la preuve de la Couronne.

« Il a dit [aux policiers] ne pas avoir mis de condom parce qu’il n’avait pas l’impression de lui faire du tort, qu’il n’avait rien fait contre son gré », a expliqué MLaflamme lors de l’enquête sur remise en liberté. Précisons que ces derniers faits n’ont pas été prouvés lors d’un procès.

Cette suggestion commune de 27 mois de détention découle de « longues, longues » discussions entre les parties, a insisté MLaflamme jeudi. La mort de la victime, dans les derniers mois, aurait en effet compliqué la présentation de la preuve au procès.

Le juge Tremblay semblait choqué par les circonstances du crime.

C’est une femme de 84 ans agressée sexuellement dans son sommeil par un employé en qui elle aurait dû avoir confiance.

Le juge Christian M. Tremblay

Le procureur de la Couronne comme le juge ont relevé le contexte pandémique de l’agression. Même l’avocat de la défense, MFrancis Leborgne, a mentionné que la formation accélérée donnée aux préposés aux bénéficiaires avait été trop « rapide ».

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

L’avocat de la défense, Me Francis Leborgne

« Pas sûr que c’est une question de formation », a répliqué le juge Tremblay.

« Peut-être trop vite pour filtrer les bonnes personnes », a rétorqué l’avocat de la défense.

Absence d’antécédents judiciaires

Comme facteurs atténuants, le juge a pris en compte l’absence d’antécédent judiciaire et la reconnaissance de culpabilité de l’accusé.

Les proches de la femme n’ont pas souhaité s’adresser au tribunal.

« La fin de la vie de leur mère et de leur grand-mère a été difficile dans les circonstances », a souligné MLaflamme.

« J’ai beaucoup d’empathie pour la victime et sa famille », a insisté le juge.

Rodrigo Ivan Rojas n’en a pas tout à fait terminé avec la justice. Il doit revenir en cour le mois prochain afin de déterminer s’il devra s’enregistrer au Registre des délinquants sexuels.