Le vote a été déchirant jeudi à la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), où la proposition d’entente de principe conclue avec Québec a été entérinée par les délégués à 53 %.

« Ce n’est pas une entente qui va faire revenir le personnel dans le réseau. Après toutes les années de pandémie, c’est très peu de reconnaissance », a déclaré à La Presse la présidente du Syndicat des professionnelles en soins de Montérégie-Ouest, Mélanie Gignac.

Elle a tout de même voté pour l’entente de principe, afin qu’elle soit présentée à ses membres. « Ce sont elles qui ont fait la grève et qui sont venues manifester, donc ce sera à elles de décider si l’entente est bien ou pas ».

Elle estime toutefois que l’entente n’apporte pas de gains majeurs. « Quand tu dois te battre pour conserver ce qu’on t’a déjà donné avant, ce n’est pas un gain, c’est juste le statu quo ». Elle craint que d’avoir obtenu une entente de principe après les autres syndicats leur ait nui. « En négociant à la fin avec nous, c’est comme si on nous mettait un couteau sur la gorge. »

Des syndicats locaux ont émis leur dissidence face à l’entente. C’est le cas du syndicat des professionnelles en soins de l’Est de l’Île de Montréal qui ne recommandera pas à ses membres de voter en faveur de l’entente de principe.

« Les concessions reliées à la flexibilité ne sont pas adaptées à la réalité montréalaise et ne tiennent pas compte de l’expertise des professionnelles en soins que nous représentons. Pour nous, c’est simplement inacceptable », a déclaré à La Presse le président du syndicat, Denis Cloutier.

Le syndicat des professionnelles en soins de la Capitale-Nationale a également exprimé sa dissidence face à l’adoption de l’entente. « Nous étions dans l’incapacité de nous rallier au contenu de celle-ci », a déclaré à ses membres la présidente, Caroline Gravel.

« Notre équipe [s’est prononcée] majoritairement pour l’entente de principe. Il y a quand même des enjeux qui sont résolus. On pense que ça peut plaire à plusieurs personnes », a pour sa part déclaré la présidente du syndicat des professionnelles en soins en Montérégie-Est, Brigitte Petrie.

« C’est une bonne entente. C’est une offre qui est acceptable. On a hâte de la présenter aux membres et ce sont eux qui vont se prononcer », a déclaré la présidente du Syndicat des professionnels en soins dans la région de Chaudière-Appalaches, Carole Mercier.

L’entente sera présentée aux membres lors d’assemblées générales locales. La période de vote se tiendra les 10, 11 et 12 avril. « L’entente de principe entérinée à 53 % par les déléguées de la FIQ hier soir contient des avancées importantes pour les professionnelles en soins. Elle comporte des solutions qui auront des effets bénéfiques sur les conditions de travail des infirmières, des infirmières auxiliaires, des inhalothérapeutes et des perfusionnistes cliniques », a mentionné vendredi dans une déclaration la présidente de la FIQ, Julie Bouchard.

Elle précise que l’entente de principe « ne réglera pas tous les problèmes du réseau ». « Elle est le fruit de choix parfois déchirants et les déléguées ont pu s’exprimer librement sur son contenu au cours des deux derniers jours. Ce n’est pas la première fois que nous faisons face à des dissidences. Proposer et débattre d’une entente de principe n’est jamais une étape facile, mais elle a été franchie. »

17,4 % sur 5 ans

À l’instar du Front commun, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), qui représente quelque 80 000 infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes et perfusionnistes cliniques, obtiendra des augmentations salariales de 17,4 % sur 5 ans, si l’entente de principe est acceptée par les membres. Des primes conventionnées ont également été négociées pour les périodes critiques, soit pendant les Fêtes et l’été.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La présidente de la FIQ, Julie Bouchard

L’entente de principe prévoit également l’encadrement du « temps supplémentaire obligatoire » (TSO), qui ne devrait être utilisé qu’en cas d’urgence, des fonds dédiés au rattrapage en chirurgie, l’implantation graduelle de ratios, l’élimination graduelle de l’utilisation de la main-d’œuvre indépendante et la priorisation des professionnelles en soins du réseau de santé publique dans le choix des horaires.

« [Le TSO] est déjà très présent dans nos milieux et je ne crois pas qu’il va disparaître du jour au lendemain. C’est déjà censé être une mesure d’urgence, mais c’est toujours utilisé en premier recours », déplore une infirmière du Saguenay, qui a préféré taire son nom par crainte de représailles. « À suivre, mais à la lumière de ce que je vois, est-ce que [l’entente] aurait pu être mieux ? Oui. Est-ce que je vais voter pour ? Non. »

« Une manière déguisée » de déplacer les employés

Peu de détails ont filtré sur la « flexibilité », pomme de discorde entre la FIQ et Québec depuis des semaines. Le syndicat s’opposait à l’idée d’obliger les infirmières à changer d’établissement ou d’unité de soins pour pallier le manque de personnel. De son côté, le gouvernement assurait que les déplacements se feraient sur une base volontaire.

L’entente prévoit finalement « un maintien des acquis lors de déplacements volontaires », indique la FIQ dans son communiqué.

Mélanie Gignac du syndicat de la Montérégie-Ouest explique toutefois que certains centres d’activités seront modifiés, afin d’y inclure plusieurs départements de différents établissements. « Puisque ce sera le même centre d’activité, ce ne sera plus des déplacements, donc l’employeur pourra nous mettre où il veut à l’horaire. C’est simple : c’est une manière déguisée de rendre le système de santé avec des équipes volantes, mais avec une nomenclature cute pour que ça passe bien », déplore-t-elle.

David Allard, infirmier auxiliaire au CHU de Québec–Université Laval, se désole qu’il n’y ait rien pour l’instant pour attirer ou retenir du personnel infirmier, ni sur la conciliation travail/famille. « Je considère que notre syndicat a sans doute perdu la négociation, car il avait tous les atouts dans ses cartes, mais il s’est buté à un gouvernement entêté qui ne voit pas d’avantages à améliorer les conditions de travail infirmières. Tout ce que la FIQ semble avoir fait, c’est limiter les pertes. »