(Ottawa) Les conversations avec le Québec demeurent « vives » pour le programme d’assurance dentaire fédéral alors que débute sa mise en œuvre progressive. Les aînés de 87 ans et plus recevront bientôt une lettre pour s’inscrire auprès de Service Canada. Les premiers soins dentaires couverts pourront être donnés dès le mois de mai.

« L’annonce de ce matin est bonne à la fois pour les Québécois et pour le gouvernement du Québec », a fait valoir le ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, Jean-Yves Duclos, en conférence de presse lundi au Collège Algonquin à Ottawa.

Le gouvernement fédéral estime que près de deux millions de Québécois, dont de nombreux aînés, n’ont pas accès à une assurance privée, et donc, n’ont pas les moyens d’aller chez le dentiste. « On sait que livrer des soins de santé à une population vieillissante est un gros enjeu », a ajouté celui qui occupait auparavant le poste de ministre de la Santé. Selon lui, le programme fédéral permettra d’éviter que des gens attendent que leur problème de dent s’aggrave au point de devoir se rendre à l’urgence pour obtenir des soins gratuitement.

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Jean-Yves Duclos

Des soins dentaires sont déjà couverts dans certaines provinces, comme le Québec où tous les enfants de moins de 10 ans peuvent passer un examen annuel et obtenir d’autres services gratuitement sans égard au revenu de leurs parents.

Le gouvernement Legault a été pris de court vendredi en apprenant qu’Ottawa allait aller de l’avant même si leurs négociations n’avaient pas abouti. Il veut obtenir un droit de retrait avec pleine compensation, soit 3 milliards sur cinq ans.

« Nous avons un autre exemple du gouvernement fédéral qui, visiblement, ne peut s’empêcher d’empiéter dans les champs de compétence du Québec », a dénoncé le ministre responsable des Relations canadiennes, Jean-François Roberge, dans une déclaration écrite. Il a indiqué que le gouvernement Legault était disposé à améliorer son régime de sons dentaires « qui fonctionne très bien » et à négocier une entente avec Ottawa.

« La meilleure façon de le faire, c’est via une augmentation des transferts en santé, pas par la mise en place d’un nouveau programme fédéral qui implique des coûts de gestion importants », a-t-il continué. Il s’attend à ce que la contribution d’Ottawa reflète les coûts additionnels du programme de soins dentaires fédéral. « Or, ce n’est pas le cas présentement », a-t-il déploré.

Le leader parlementaire du Bloc québécois, Alain Therrien, s’explique mal « pourquoi on tourne le dos de façon aussi sauvage à Québec ».

On aurait été beaucoup mieux servi si cet argent-là avait été dans un système déjà bien établi, un système qui est public et on n’aurait pas eu une compétition entre deux systèmes sur un même territoire. Ça n’a aucune espèce de bon sens.

Alain Therrien, leader parlementaire du Bloc québécois

« Que les provinces n’en veuillent pas déjà, il y a un accrochage », a commenté le lieutenant politique pour le Québec des conservateurs, Pierre Paul-Hus. « C’est encore une histoire de créer quelque chose au fédéral qui ne fonctionnera pas bien et d’y aller de l’avant sans aucune collaboration des provinces. »

Le gouvernement Trudeau a prévu 13 milliards sur cinq ans dès 2023-2024 et 4,4 milliards par la suite pour la mise sur pied du Régime canadien de soins dentaires, qui vise à combler les lacunes des régimes d’assurance privés et des régimes provinciaux et territoriaux.

Une fonctionnaire du ministère de la Santé a indiqué dans une séance d’information lundi que de « vives » discussions avaient toujours cours avec le Québec et les autres provinces pour déterminer qui sera le premier payeur pour les services qui seront couverts par les deux ordres de gouvernement.

Une fois que ce sera déterminé, des « instructions claires » seront envoyées aux dentistes qui participeront au régime public pour qu’ils puissent indiquer qui sera le premier payeur sur la demande de réclamation.

Qui aura accès au programme ?

« Le NPD a utilisé son pouvoir pour offrir des soins dentaires à 9 millions de Canadiens, s’est réjoui le porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière de santé, Don Davies, qui a participé à la conférence de presse du gouvernement. La création d’un programme de soins dentaires pour les gens à faible revenu est le premier élément de l’entente entre les libéraux et les néo-démocrates qui permet au gouvernement minoritaire de Justin Trudeau de diriger le pays comme s’il détenait une majorité jusqu’en 2025.

Il n’est pas exagéré de dire qu’il s’agit de la plus grande expansion des soins de santé publics au Canada depuis des générations.

Don Davies, porte-parole néo-démocrate en matière de santé

L’Ordre des dentistes du Québec s’est réjoui de la mise en œuvre du programme fédéral. « Cette reconnaissance de la santé buccodentaire comme un élément crucial de la santé globale marque un tournant historique », a déclaré sa présidente Liliane Malczewski.

Les personnes qui y ont droit pourront s’inscrire au programme fédéral en contactant Service Canada par téléphone ou en ligne selon leur tranche d’âge :

  • Décembre 2023 : 87 ans et plus (par téléphone)
  • Janvier 2024 : 77 à 86 ans (par téléphone)
  • Février 2024 : 72 à 76 ans (par téléphone)
  • Mars 2024 : 70 à 71 ans (par téléphone)
  • Mai 2024 : 65 à 69 ans (en ligne)
  • Juin 2024 : personnes handicapées et enfants de moins de 18 ans (en ligne)

Des lettres seront envoyées par la poste aux aînés de 87 ans et plus dès lundi. Ils pourront s’inscrire par téléphone en fournissant leur numéro d’assurance et un code unique qui leur sera fourni.

Les autres personnes admissibles pourront faire leur demande en 2025. Les renseignements seront acheminés à la Sun Life, le fournisseur choisi par le gouvernement, qui procédera à l’inscription et enverra une trousse de bienvenue. La date de début du régime dépendra du moment de l’inscription, mais les premiers prestataires pourront y avoir accès dès mai 2024.

Ils devront répondre à quatre critères pour être admissibles :

  • Ne pas avoir accès à une autre assurance dentaire
  • Avoir un revenu familial annuel de moins de 90 000 $
  • Être un résident canadien
  • Avoir rempli une déclaration de revenus l’année précédente

Le programme de soins dentaires fédéral couvrira les services de prévention (détartrage, polissage, fluorure, scellants), de diagnostic comme les examens et les radiographies, de restauration comme les obturations (plombages), les services endodontiques comme les traitements de canal, les services prosthodontiques comme les prothèses complètes ou partielles, les services parodontiques comme les détartrages en profondeur et les services de chirurgie buccale comme les extractions de dents.

Les réclamations auprès de la Sun Life seront effectuées par le dentiste au nom du patient qui pourrait avoir à débourser une quote-part en fonction de son revenu. Ainsi, les personnes qui ont un revenu familial net rajusté en deçà de 70 000 $ ne paieront rien. Ceux dont le revenu familial est entre 70 000 $ et 79 999 $ devront débourser 40 % des frais tandis que ce sera 60 % pour ceux dont le revenu familial est entre 80 000 $ et 89 999 $. Le revenu familial net rajusté ne tient pas compte des allocations que les familles reçoivent.

La grille tarifaire variera d’une province à l’autre, mais elle sera différente de la grille tarifaire des associations dentaires provinciales. L’Association des chirurgiens dentistes du Québec a déjà avisé que ses membres allaient facturer leurs honoraires habituels en fonction de leurs frais d’exploitation.

« Dans le contexte économique actuel, si on veut que les cliniques dentaires adhèrent à ce régime, le gouvernement fédéral doit prendre en considération que les dentistes ne peuvent offrir des soins au rabais », a indiqué son président, Carl Tremblay.

La Prestation dentaire canadienne, qui était en vigueur depuis un an pour les enfants de moins de 12 ans, se terminera le 30 juin 2024.