Les pluies abondantes exaspèrent les vacanciers, mais font le bonheur des mycologues, qui s’attendent à une récolte exceptionnelle de champignons sauvages. Malheureusement, le Centre antipoison du Québec répertorie déjà une cinquantaine d’intoxications mycologiques.

Ce qu’il faut savoir

Le temps pluvieux favorise la prolifération de champignons sauvages cet été.

Des espèces rares et intéressantes ont poussé, en plus de champignons plus communs comme les chanterelles.

Le Centre antipoison du Québec a déjà dirigé une cinquantaine de personnes vers des centres hospitaliers, après des intoxications dues aux champignons.

Jusqu’à maintenant en 2023, le Centre antipoison du Québec a dirigé une cinquantaine de personnes vers des centres hospitaliers à la suite d’intoxications mycologiques. L’organisme de santé mentionne quelques cas graves, mais refuse de donner plus de détails, notamment de préciser leur nombre, pour des raisons éthiques, de crainte que l’on puisse identifier les victimes.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

La chanterelle, qui est comestible, est particulièrement abondante cette année au Québec.

« Avec la pluie, les champignons s’en donnent à cœur joie et les mycologues amateurs aussi », lance Patrice Dauzet, vice-président aux affaires scientifiques du Cercle des mycologues de Montréal, le plus important au Québec avec ses quelque 700 membres.

Déjà, au printemps, on a pu découvrir des morilles alors qu’elles étaient absentes depuis deux ou trois ans. Ces dernières semaines, avec la prolifération des chanterelles, c’est l’euphorie.

Patrice Dauzet, vice-président aux affaires scientifiques du Cercle des mycologues de Montréal

Le temps propice a aussi favorisé l’émergence d’espèces rares et intéressantes, un grand bonheur pour les mycologues, mais présentant autant de défis d’identification. Comme les amateurs sont plus nombreux quand les champignons abondent, le nombre d’intoxications devrait être plus important par rapport aux dernières années – les mois d’août, septembre et même octobre étant aussi des périodes de récoltes importantes.

Prudence avec les données

La directrice du Centre antipoison, la Dre Maude St-Onge, se montre prudente et refuse toute projection. Le centre reçoit environ 50 000 appels par année au sujet d’intoxications réelles ou supposées de toute nature, et environ 1 % concernent les champignons sauvages.

En 2021, sur les 526 appels d’aide, 110 personnes ont été dirigées vers un centre hospitalier, mais seulement 75 l’an dernier sur 450 appels. La directrice souligne par ailleurs que la Santé publique doit lancer une campagne de prévention à l’automne à ce sujet.

La Dre St-Onge explique que dans la majorité des cas, on ignore quel champignon est en cause. Le traitement est toujours en rapport avec les symptômes et la ou les toxines impliquées. Si la situation le permet, on tente de mettre un nom sur l’espèce de champignon toxique en faisant appel à des experts. Le Centre antipoison fait un suivi de chaque cas jusqu’à la fin de l’épisode d’intoxication.

« Le hic, c’est qu’il n’existe pas de données sur le taux de toxines contenues dans ces champignons. Ce serait d’ailleurs un intéressant sujet de thèse de doctorat », fait-elle valoir.

Deux décès à ce jour au Québec

Bon an, mal an, quelques dizaines de personnes doivent être traitées après avoir mangé des champignons sauvages toxiques. Les cas les plus graves sont habituellement attribuables aux amanites, particulièrement les espèces blanches, les lépiotes, et les galérines. Les clitocybes lumineux, parfois confondus avec les populaires chanterelles, et le gyromitre sont aussi des espèces qui entraînent à l’occasion une visite à l’hôpital.

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L’amanite vireuse, une espèce répandue, est responsable d’un des décès survenus à ce jour au Québec.

C’est l’amanite vireuse et l’amanite bisporigène qui ont été en cause dans les deux décès connus à ce jour au Québec. Elles provoquent une dégradation du foie qui oblige parfois à procéder à une greffe. Des problèmes rénaux s’ensuivent souvent et le patient reste avec des séquelles permanentes.

Je suis toujours estomaqué de réaliser qu’encore aujourd’hui, des gens s’intoxiquent en mangeant des champignons. Si vous ne pouvez identifier ou faire identifier un spécimen par un expert, ne le mangez pas. Sinon, vous jouez à la roulette russe.

Patrice Dauzet, vice-président aux affaires scientifiques du Cercle des mycologues de Montréal

« S’intoxiquer avec le clitocybe lumineux, par exemple, il faut vraiment faire exprès », insiste M. Dauzet.

L’expert explique qu’autant la chasse aux champignons est agréable et gratifiante, autant les identifier est souvent plus complexe qu’on ne le croit. Il rappelle aussi qu’un champignon peut engendrer des problèmes gastriques chez certaines personnes même s’il est considéré comme comestible. Un champignon ne doit jamais être consommé cru, on cuisine une seule espèce à la fois (cela facilite l’identification s’il y a un problème) et toujours des spécimens très frais. « Méfiez-vous des champignons sauvages vendus sur les étals », dit-il.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Son délicat parfum d’agrume et son goût délicieux font de la chanterelle un des champignons les plus prisés.

La recette pour avoir du plaisir et éviter les problèmes ? Faire partie d’un club de mycologues, participer à des excursions avec des experts, toujours se concentrer d’abord sur les espèces faciles à identifier, consulter plus d’un guide d’identification, s’attarder sur les descriptions du site exceptionnel de Mycoquébec qui compte d’innombrables photos, plus de 23 000, sur les 3392 espèces répertoriées chez nous.

M. Dauzet s’en prend par ailleurs aux gestionnaires d’espaces publics de plus en plus nombreux à interdire la cueillette de champignons, une politique qui nuit aux contacts avec la nature et résulte parfois d’une méconnaissance scientifique. « Un champignon, c’est comme une pomme dans son pommier. Le champignon est la fructification du mycélium qui vit sous terre. Évidemment, quand vous cueillez des pommes, cela n’affecte pas le pommier. Même situation pour le bolet ou la chanterelle. »

Consultez le site de Mycoquébec