Les hivers plus doux et les étés plus chauds et humides favorisent la propagation de maladies infectieuses au Québec. Parmi celles-ci, on retrouve la maladie de Lyme, le virus du Nil occidental et la rage, qui pourraient devenir plus fréquents dans les années à venir.

Les animaux sauvages se dispersent

En raison de la sécheresse et à la suite d’incendies de forêt, de plus en plus d’animaux sauvages dans le monde, comme les chauves-souris et les rongeurs, se déplacent vers de nouvelles régions en quête de nourriture pour survivre, explique Levon Abrahamyan, professeur du département de pathologie et microbiologie de la faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal. Ces bêtes peuvent toutefois transporter avec elles des virus ou des bactéries qui peuvent infecter l’humain et causer de véritables épidémies.

Des renards infectés

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Renard roux sur l’île Sainte-Hélène, à Montréal

Au Québec, les spécialistes surveillent de près les renards arctiques, qui sont considérés comme tous porteurs de la rage. Les changements climatiques et le réchauffement des régions nordiques poussent ces renards à migrer vers le sud à la recherche de meilleures conditions de vie et de nourriture, explique Ariane Adam-Poupart, conseillère scientifique spécialisée à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

À l’opposé, le renard roux, qui se trouve plus près des populations humaines au Québec, risque de migrer vers le nord à mesure que les températures se réchauffent. « Ce qu’on craint, c’est la rencontre de ces deux espèces, avec le renard arctique qui porte la rage et le renard roux qui n’est pas encore porteur », dit-elle. Cette interaction augmenterait ainsi le risque que des Québécois soient infectés par la rage.

La maladie de Lyme gagne du terrain

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Tique au stade de nymphe

La maladie de Lyme, transmise par la tique Ixodes scapularis, est de plus en plus répandue au Québec. Cette propagation pourrait s’aggraver dans les années à venir. « Les augmentations de température vont permettre la survie des tiques pendant l’hiver, elles vont permettre aux tiques de se multiplier plus rapidement et de se disperser sur le territoire », explique Mme Adam-Poupart. Par ailleurs, la tique Amblyomma americanum, qui est porteuse de maladies, se rapproche également des frontières du Québec, en raison du réchauffement climatique.

16

Nombre de cas de la maladie de Lyme acquis au Québec en 2012

650

Nombre de cas de la maladie de Lyme acquis au Québec en 2021

Source : INSPQ

Consultez des données de l’INSPQ

Gare aux moustiques

Les moustiques porteurs de maladies sont déjà présents au Québec et les changements climatiques pourraient aggraver la situation. Parmi les infections préoccupantes figure le virus du Nil occidental. « Les hausses de température augmentent la vitesse de reproduction et de développement des moustiques et permettent la multiplication du virus à l’intérieur du moustique plus rapidement », dit Mme Adam-Poupart.

En plus du virus du Nil occidental, les moustiques présents au Québec peuvent également transmettre le virus du sérogroupe Californie, pouvant parfois provoquer des infections neurologiques graves telles que la méningite, l’encéphalite ou la myélite. De 2018 à 2022, on a enregistré entre 11 et 24 cas d’encéphalite causée par des moustiques chaque année dans la province. « Avec les changements climatiques, on va assurément avoir plus de ces cas-là, si on ne met pas en place des mesures d’adaptation ou de prévention », dit-elle.

De nouveaux moustiques à nos portes

Les changements climatiques devraient créer des conditions plus favorables à l’implantation de moustiques qui ne sont pas encore présents au Québec. On craint notamment l’arrivée de moustiques capables de transmettre des virus tels que ceux responsables du chikungunya et de la dengue. « On les retrouve déjà dans le sud de l’Ontario. Avec le temps, ils vont finir par s’établir chez nous », dit Mme Adam-Poupart.

Des champignons mortels

La hausse des températures pourrait également contribuer à la propagation de champignons, tels que le champignon mortel Candida auris, estime le Centre de collaboration nationale des maladies infectieuses du Canada. Ce champignon, identifié pour la première fois au Japon en 2009, s’attaque principalement aux personnes hospitalisées et se propage dans les établissements de santé. Plus d’une trentaine de cas de Candida auris ont été signalés au Canada dans les cinq dernières années. Parmi ceux-ci, on retrouve deux patients infectés par le champignon à l’hôpital Pierre-Boucher, à Longueuil, en septembre dernier.

Une boîte de Pandore

La fonte des glaces et la décongélation du pergélisol (sol gelé en permanence dans les régions froides) peuvent libérer différents virus ou bactéries qui étaient autrefois gelés, explique le professeur Levon Abrahamyan. Des chercheurs ont étudié une épidémie de maladie du charbon (anthrax) dans l’Arctique russe ayant eu lieu en 2016 et ont découvert que la souche bactérienne responsable de cette épidémie pourrait être très ancienne, provenant probablement d’un cadavre d’animal qui avait été congelé dans le sol et qui l’a libérée lors du dégel. Au total, 21 personnes ont été infectées, dont un enfant de 12 ans qui a perdu la vie. « Nous ne savons pas encore quelles bactéries ou quels virus mortels nous attendent dans le pergélisol », résume le spécialiste.