(Québec) Des psychologues se sentent abandonnés par leur syndicat : alors que le gouvernement Legault veut augmenter leur salaire pour le rendre plus concurrentiel par rapport au privé, le « blocage » vient de leurs représentants, dénonce la Coalition des psychologues du réseau public québécois.

« Comment voir la lumière quand les personnes qui sont censées nous représenter disent que si on donne de l’argent aux psychologues, on ne pourra pas en donner aux autres […] », témoigne la Dre Karine Gauthier, présidente de cet organisme qui milite depuis des années pour améliorer les conditions de travail des psychologues afin de freiner leur exode vers le secteur privé.

Pourquoi on ne peut pas négocier quand on a tous les arguments, et que même la présidente du Conseil du trésor le dit qu’il faut bonifier le salaire des psychologues, et que le blocage vient de nos représentants ? C’est le monde à l’envers, littéralement.

La Dre Karine Gauthier, présidente de la Coalition des psychologues du réseau public québécois

Une déclaration de Robert Comeau, président de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), dans un article de La Presse la veille, est la goutte qui a fait déborder le vase pour le regroupement. L’APTS représente la majorité des psychologues du réseau public, qui font partie des professions auxquelles Québec entend accorder une hausse de salaire plus importante que pour les autres employés du secteur public.

M. Comeau a affirmé que le gouvernement Legault « veut juste régler les psychologues ». Ils ne parlent pas des centres jeunesse [dont les employés sont représentés par l’APTS], où les problèmes sont criants. L’argent qu’ils proposent de mettre dans les forums, il n’y en aura plus après pour les autres. »

Exode

Une déclaration difficile à encaisser pour la Dre Gauthier, qui rappelle que l’exode des psychologues est documenté depuis plus d’une décennie. « L’écart salarial avec le secteur privé est de 44 %, il est de 57 % avec l’Ontario », dit-elle. Elle cite également une étude actuarielle commandée par son organisation qui démontre que les psychologues du réseau public, au terme de leur carrière, gagnent 300 000 $ de moins qu’un bachelier du secteur de la santé.

Cette situation d’« injustice salariale » a un impact direct sur la profession : seulement en 2021-2022, 123 psychologues ont déserté le réseau public, révèlent des données de l’Ordre des psychologues. Il n’en reste plus que 2900 en santé et en éducation. Et les psychologues qui vont pratiquer au privé ont des spécialités et une expertise impossible à remplacer, dit-elle. La qualité des services aux patients « s’effrite ».

Pour la Dre Gauthier, cette déclaration prouve « noir sur blanc » que l’APTS « ne veut pas faire les [démarches] nécessaires pour mettre fin à la pénurie de psychologues dans le milieu public ».

On le disait, mais là, on le voit, c’est écrit noir sur blanc que c’est ça qui se passe. La structure syndicale fait en sorte qu’on n’est pas représentés. Nos enjeux spécifiques ne sont pas représentés. On n’a pas de voix. On se sent abandonnés par nos représentants.

La Dre Karine Gauthier, présidente de la Coalition des psychologues du réseau public québécois

95 % des psychologues veulent leur propre syndicat

Elle souligne que l’opinion de la Coalition des psychologues du réseau public québécois est largement partagée par la profession. Elle cite un sondage réalisé par son organisme en 2022 auprès de 1000 psychologues qui montre que 95 % d’entre eux souhaiteraient avoir leur propre syndicat, ce que la loi actuelle ne permet pas.

« On est obligés d’être regroupés avec plus d’une centaine de titres d’emploi. Lorsqu’on arrive en assemblée générale, on est moins de 3 % des membres. Même si on dit que François Legault veut que le salaire des psychologues soit concurrentiel avec le privé, […] comment faire passer ça dans une assemblée où 97 % des membres ne sont pas psychologues ? », déplore-t-elle.

Sauf que si la situation perdure, « on s’en va dans un exode accéléré. Les psychologues n’en peuvent plus de ce manque de reconnaissance ». Elle ne nie pas qu’il y a de la pénurie de main-d’œuvre dans d’autres corps d’emploi, mais elle juge évident que la situation des psychologues est « marquée et sévère ».

En savoir plus
  • 85 %
    Proportion des étudiants au doctorat en psychologie qui aimeraient travailler dans le réseau public à la fin de leurs études si de bonnes conditions salariales et d’autonomie professionnelle y sont offertes, selon un sondage effectué par la CPRPQ en 2022
    SOURCE : Coalition des psychologues du réseau public québécois