L’écart global de réussite entre les élèves du cégep et les étudiants de l’université lors du dernier examen de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) a atteint 20 points de pourcentage, alors qu’il était depuis mars 2019 de 0 à 9 points de pourcentage.

Des données obtenues par La Presse auprès de l’OIIQ montrent que les élèves issus du milieu collégial ont été plus nombreux à échouer à leur épreuve d’admission en septembre 2022 que leurs vis-à-vis des universités québécoises. Mais surtout que l’écart entre les deux catégories d’étudiants s’est particulièrement creusé.

Selon la présidente de l’Association des enseignantes et enseignants en soins infirmiers des collèges du Québec (AEESICQ), Marlène McNicoll, ces données sont « dures à comprendre ». « Ça amène beaucoup de questionnements. On espère avoir plus de réponses rapidement », dit-elle.

Examen de septembre 2022

Nombre total d’échecs à l’examen d’admission : 1587

Personnes titulaires d’un DEC : 977

Personnes titulaires d’un baccalauréat : 172

Personnes formées à l’extérieur du Québec : 366

Personnes formées dans le programme de mise à niveau offert aux infirmières et infirmiers auxiliaires : 72

Luc Mathieu, président de l’OIIQ, martèle que l’examen de septembre « n’a pas changé » et qu’il a « la même structure, la même nature » depuis 2018. M. Mathieu affirme toujours que c’est la pandémie qui a joué un rôle important dans les performances historiquement basses de cette cohorte d’élèves, qui a entrepris ses études à l’automne 2019. « Des stages ont été annulés. Certaines [infirmières] ont vacciné très longtemps… On a vu cette semaine que la pandémie a eu un impact sur les résultats en français au secondaire. C’est pareil ici », dit-il.

Mme McNicoll doute quant à elle que la pandémie soit la seule responsable de ces écarts. D’autant plus que « la pandémie a touché les étudiants du cégep et de l’université de la même façon ». Mme McNicoll indique que les enseignants du collégial « aimeraient avoir plus d’information sur quoi l’Ordre se base pour évaluer les compétences minimales d’une infirmière novice ».

Passer un message ?

Le taux de réussite de l’examen d’admission à la profession d’infirmière de septembre 2022 a été historiquement faible. Seulement 51 % de l’ensemble des candidats qui s’y sont présentés pour la première fois l’ont réussi, alors que ce taux était de 71 % en mars 2022 et de 81 % en septembre 2021. Chez les étudiants diplômés au Québec, le taux de réussite a été de seulement 56 % en septembre 2022 contre 76 % en mars 2022 et 82 % en mars 2021. Les candidats à l’exercice de la profession infirmière [CEPI] ont trois chances pour réussir l’examen.

Devant un tel taux d’échec, une enquête du commissaire à l’admission aux professions, MAndré Gariépy, a été lancée en novembre dernier pour faire la lumière sur la question.

Au Québec, on peut pratiquer comme infirmière après avoir suivi une formation collégiale ou obtenu un baccalauréat à l’université. Depuis des années, l’OIIQ demande qu’on rende obligatoire le baccalauréat.

Depuis l’annonce des résultats désastreux de septembre 2022, certains se demandent si l’Ordre n’a pas voulu, avec cet examen, « passer un message » en le rendant plus difficile pour les élèves du cégep, explique Frédéric Lapierre-Justin, représentant du personnel en soins infirmiers et cardiorespiratoires à la FSSS-CSN.

« Plusieurs candidates sont sorties de l’examen en n’ayant rien compris de ce qui s’était passé […]. Il devrait y avoir un examen de conscience sur les failles méthodologiques de l’examen », dit M. Lapierre-Justin.

Selon Luc Mathieu, il est « archi-faux » de prétendre que l’OIIQ a voulu rendre l’examen plus difficile pour les élèves du cégep. Il affirme que l’examen est « basé sur les connaissances enseignées au collégial ». « Notre but, c’est que nos infirmières novices aient une pratique autonome », dit-il.

Porte-parole de l’Alliance pour l’avenir des soins infirmiers du Québec, William Tessier indique qu’ailleurs au Canada et aux États-Unis, les résultats aux examens d’admission à la profession infirmière ont eux aussi été faibles cette année. L’Alliance, composée notamment de 17 associations d’infirmières et de l’OIIQ, appuie la proposition de rendre le baccalauréat obligatoire au Québec. Le plus important, « c’est d’avoir des infirmières compétentes et prêtes à faire face à des patients de plus en plus complexes », dit-il.

Examen de mars facultatif

Dans un rapport d’étape publié le 18 janvier dernier, le commissaire Gariépy a recommandé de reporter l’examen d’admission de mars 2023 le temps de faire l’autopsie du fiasco de septembre dernier. MGariépy a indiqué que ses travaux menés jusqu’ici révélaient « des éléments préoccupants tant sur l’examen que sur la formation des personnes candidates ».

Mercredi, l’OIIQ a annoncé qu’elle ne reporterait pas l’examen de mars prochain. Les étudiants pourront toutefois choisir de ne pas s’y inscrire et d’attendre celui de septembre prochain, sans qu’une mention d’échec soit ajoutée à leur dossier.

L’Ordre accordera une quatrième tentative aux candidats qui avaient encaissé leur troisième et ultime échec à l’examen de septembre 2022 et redonnera également le droit d’exercer à titre de CEPI aux personnes ayant obtenu un troisième échec à l’examen de septembre dernier. M. Mathieu assure « collaborer avec le commissaire ».

Sur Twitter, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a salué la décision de l’OIIQ, qui « permettra de favoriser la réussite de nos futures infirmières » en « ce contexte de pénurie de main-d’œuvre ».

Avec La Presse Canadienne

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Examen d’admission à la profession d’infirmière

  • Durée : une journée
  • 135 questions à choix multiples
  • Coût : 600 $