(Québec et Ottawa) Les astres s’alignent en vue d’une rencontre entre les premiers ministres des provinces et Justin Trudeau d’ici la mi-février pour conclure une entente fédérale-provinciale à long terme sur le financement des soins de santé.

Le prélude à cette rencontre sera une réunion entre la ministre fédérale des Finances, Chrystia Freeland, et ses homologues provinciaux, où il sera notamment question des transferts en santé.

La date de cette réunion sera fixée officiellement la semaine prochaine, mais le 2 février est évoqué en coulisses à Ottawa comme à Québec.

Ce rendez-vous des grands argentiers du pays devait avoir lieu en décembre, comme cela se fait tous les ans, mais il avait été reporté. Il prendra une importance capitale dans le contexte actuel, alors qu’un vent d’optimisme laisse présager une entente sur la santé. Les provinces s’attendent à ce que Mme Freeland donne des précisions sur les sommes qu’Ottawa est prêt à mettre sur la table.

Cette rencontre sera déterminante dans la décision des provinces d’inviter ou non Justin Trudeau à participer à la réunion des premiers ministres que le Conseil de la fédération prévoit tenir d’ici la mi-février à Ottawa.

Plusieurs signaux laissent croire qu’une telle rencontre entre M. Trudeau et les premiers ministres des provinces pourra avoir lieu. Des obstacles à une entente sont tombés au cours des dernières semaines.

Par exemple, le gouvernement fédéral a accepté d’abandonner l’idée d’imposer des normes nationales pour les soins de longue durée comme les services en CHSLD. Il n’est plus question qu’Ottawa demande aux provinces de lui rendre des comptes sur l’utilisation des sommes. Ses mesures d’« imputabilité » ne sont plus dans les plans. Les provinces doivent rendre des comptes à leur population, dit-on maintenant à Ottawa.

Le gouvernement fédéral tient surtout à ce que les provinces lui fournissent des données sur la performance de leur réseau de la santé, comme les temps d’attente pour obtenir certains services. Il en a fait une condition. Québec ne voit aucun problème à lui fournir des données, dans la mesure où il rend déjà publics depuis l’an dernier un bon nombre d’indicateurs dans son Tableau de bord sur la performance du réseau de la santé et des services sociaux.

Une entente de 10 ans envisagée

Selon les discussions en cours, Ottawa augmenterait ses transferts en santé sans toutefois aller jusqu’à donner aux provinces tout ce qu’elles réclament. Elles demandent depuis plus de deux ans maintenant une augmentation de 28 milliards de dollars des transferts, afin de faire passer de 22 % à 35 % la part d’Ottawa dans le financement des dépenses en santé.

Le quotidien The Globe and Mail avançait dans son numéro de vendredi qu’une entente d’une durée de 10 ans serait envisagée et assurerait une hausse substantielle des transferts en santé aux provinces. Aucune somme n’a toutefois été précisée.

Interrogé à ce sujet vendredi, le ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos, s’est montré optimiste. « Je suis effectivement optimiste, tout comme le premier ministre l’a aussi dit plus tôt cette semaine, parce qu’il y a eu un changement de ton, mais certainement aussi un changement de direction au cours des dernières semaines », a-t-il affirmé lors d’une conférence de presse pour faire le point sur la situation de la COVID-19.

« Je crois que tout le monde maintenant s’entend, y compris les premiers ministres, [sur le fait] que l’on doit travailler pour les résultats qui sont importants pour les travailleurs et pour les patients. Ce n’est pas étonnant parce que depuis un an, mes collègues ministres de la Santé et moi-même, on travaille aussi sur ces questions de résultats. On a fait des progrès importants depuis le début de 2022. »

On a des plans très utiles qui auraient un impact significatif pour les patients et pour les travailleurs s’ils étaient mis en place.

Jean-Yves Duclos, ministre fédéral de la Santé

Il a précisé que les discussions entre Ottawa et les provinces portent sur cinq groupes de priorités : réduire les retards dans les opérations chirurgicales et les diagnostics et soutenir les travailleurs de la santé ; améliorer l’accès aux services de santé familiale ; améliorer les services de santé mentale ; aider les Canadiens à vieillir dans la dignité ; moderniser le système de soins de santé en favorisant un meilleur partage des données.

Par ailleurs, l’entente prévoirait qu’Ottawa doive conclure par la suite des accords bilatéraux. Ces accords viseraient à ce que le gouvernement fédéral verse des sommes supplémentaires dans des secteurs jugés prioritaires par chacune des provinces et qui, prévoit-on, correspondraient aussi à des thèmes évoqués par Justin Trudeau lors de la dernière campagne électorale – comme la santé mentale, les services de première ligne et les soins de longue durée.

L’intention exprimée par M. Trudeau, en entrevue avec La Presse, d’encadrer davantage le recours à la disposition de dérogation par les provinces tombe à un bien mauvais moment. Sa sortie viendra assombrir ses relations avec François Legault, mais il serait étonnant que cela compromette une entente en matière de santé.