(Québec et Montréal) En pleine crise, François Legault appelle à la patience des Québécois qui se demandent quand le plan en santé du ministre Christian Dubé permettra au réseau de reprendre un peu son souffle et aux citoyens d’avoir accès à des soins dans des délais raisonnables.

Alors qu’une tempête sans précédent a secoué ces derniers jours les urgences de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, à Montréal, le premier ministre a dit comprendre la frustration des infirmières qui menaçaient de démissionner en bloc en raison, notamment, du « temps supplémentaire obligatoire » (TSO) qu’on leur impose.

« Il manque d’infirmières, ça amène du temps supplémentaire obligatoire et il y a des infirmières, avec raison, qui sont épuisées, puis qui sont peut-être encore plus sollicitées […] à Maisonneuve-Rosemont que dans la moyenne des hôpitaux au Québec », a constaté M. Legault.

« Il manque d’infirmières partout dans le monde. Ce [dont] on se rend compte aussi, c’est qu’il en manque plus, toutes proportions gardées, à Maisonneuve-Rosemont que dans la moyenne des hôpitaux au Québec, donc il doit effectivement y avoir un ajustement. […] On ne peut pas demander au personnel de Maisonneuve-Rosemont de faire des miracles », a ajouté le premier ministre.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Le ministre Christian Dubé à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, mardi

Mardi, le ministre de la Santé, Christian Dubé, s’est rendu à l’hôpital pour annoncer qu’une conseillère externe était nommée pour dénouer la crise. La cheffe des urgences, qui était la cible des doléances des infirmières, a également été réaffectée à un autre service.

Est-ce normal que le ministre ait été forcé de se rendre à l’hôpital pour gérer une crise interne ? À cette question, M. Legault a affirmé que « la situation [était] assez grave » pour que M. Dubé s’en mêle. Le député local et critique solidaire en santé, Vincent Marissal, rétorque toutefois « qu’il n’y a jamais eu autant d’infirmières au Québec ». « François Legault se cache derrière la pénurie mondiale. Bientôt, il va invoquer une fatalité cosmique », a-t-il ironisé sur Twitter.

Des améliorations d’ici 2025

Dans les différents hôpitaux du Québec, où l’on note une hausse du délai pour une prise en charge au triage dans les urgences, la situation devrait s’améliorer progressivement d’ici 2025 avec la mise en œuvre des mesures prévues par le plan en santé de Christian Dubé, a dit le premier ministre.

« Ça va prendre combien de temps avant de combler tous les postes d’infirmières qu’on voudrait combler ? Une infirmière, [c’est] au moins trois ans de cégep », a-t-il affirmé, ajoutant que le ministre de la Santé « s’est donné un plan pour que, dans le mandat, il y ait un grand bout de fait, entre autres, d’ici 2025 ».

Le premier ministre a également affirmé que son gouvernement négociait avec les ordres professionnels pour qu’un plus grand nombre d’actes soit délégué à d’autres corps d’emploi afin d’alléger la tâche des infirmières. « Il faut être capable, un moment donné, de travailler avec ce qu’on a de disponible comme main-d’œuvre », a-t-il dit.

S’inspirer du camionnage ?

Selon le président du Syndicat des professionnelles en soins de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, Denis Cloutier, la priorité devrait être d’adopter un règlement gouvernemental limitant le nombre d’heures de travail des infirmières, comme on en retrouve notamment dans le milieu du camionnage.

« C’est quelque chose qu’on entend souvent dans notre profession. Comment ça se fait que des [professionnels] comme des camionneurs sont limités dans leur temps de travail et que des infirmières, qui ont la vie de gens entre leurs mains, doivent être au travail aussi longtemps ? », illustre-t-il en entrevue.

Au Québec, la loi 430 est claire : pour pouvoir conduire, un camionneur « doit avoir pris au moins 8 heures de repos consécutives immédiatement avant de commencer son poste de travail ».

Son employeur ne peut « demander, imposer ou permettre au conducteur de conduire s’il a accumulé 13 heures de conduite ou 14 heures de travail ou lorsque 16 heures se sont écoulées depuis la fin de la plus récente période de 8 heures de repos ».

« La vérité est que la pénurie, elle est plus grande dans l’est de Montréal qu’elle ne l’est ailleurs. Oui, il y a plusieurs autres endroits qui le vivent et où c’est difficile, mais le grand perdant, c’est clairement le CIUSSS de l’Est », poursuit M. Cloutier, en réponse aux propos du premier ministre François Legault.

Globalement, la rencontre tenue mardi avec la médiatrice nommée par Québec a été « cordiale », mais n’a pas réglé les vrais problèmes, insiste M. Cloutier. « L’autogestion des horaires et des aménagements comme ceux-là ne font pas apparaître plus d’infirmières. Le cœur du problème, c’est qu’on a deux fois moins d’infirmières qu’un autre hôpital de même taille. Elles sont épuisées, elles ont envie de quitter [l’établissement] », insiste le syndicaliste.

En savoir plus
  • 20 %
    Dans son plan présenté ce printemps, qui se base à environ 20 % sur le recours au privé, Québec vise à éliminer l’utilisation du « temps supplémentaire obligatoire » en décloisonnant les professions et en allégeant les tâches administratives du personnel clinique. Québec a également promis d’assurer une plus grande accessibilité au réseau, notamment en comblant le retard accumulé au cours de la pandémie en chirurgie et en réduisant le temps d’attente aux urgences.
    Source : ministère de la Santé et des Services sociaux