De nouvelles étiquettes nutritionnelles feront leur entrée dans les épiceries en 2026, annonce Santé Canada. Posée sur l’emballage des produits, une loupe servira à signaler les aliments riches en graisses saturées, en sucre ou en sodium. Cette mesure soulève toutefois quelques questions.

Moins de sucre, de sel, de gras

De manière générale, les aliments préemballés qui contiennent 15 % ou plus de la valeur quotidienne en graisses saturées, en sucre ou en sodium seront visés par cette nouvelle politique. Les plats préemballés qui comptent au moins 30 % de l’apport quotidien recommandé seront eux aussi étiquetés, selon les directives de Santé Canada. Certains produits, comme le lait 2 %, les œufs et les noix, ne seront pas soumis à cette nouvelle norme puisqu’ils « présentent un avantage reconnu pour la protection de la santé ».

IMAGE FOURNIE PAR SANTÉ CANADA 

Exemple d’une nouvelle étiquette nutritionnelle réalisée par Santé Canada

Cette initiative, sur la table depuis 2018, est accueillie chaleureusement par la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada. « Le gouvernement montre que c’est possible d’à la fois favoriser la santé de la population et les intérêts de l’industrie alimentaire, se réjouit Kevin Bilodeau, directeur des relations gouvernementales de l’organisme. Cette étiquette servira à rediriger les choix des consommateurs, forcera les industries à rendre leurs produits moins nocifs pour la santé et contrebalancera le marketing “santé” mis de l’avant sur certains produits. »

Le piège du bon et du mauvais

« C’est comme une simplification du tableau de la valeur nutritionnelle, sans pour autant le remplacer », résume Bernard Lavallée, nutritionniste.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Bernard Lavallée, nutritionniste

Il est cependant primordial, selon lui, de ne pas considérer les aliments qui échappent à cette étiquette comme des aliments nécessairement bons pour la santé.

On détermine que des aliments sont “meilleurs” ou pas pour la santé en se basant sur la teneur d’un de ces trois éléments. Je trouve que c’est réducteur par rapport à la valeur réelle des aliments.

Bernard Lavallée, nutritionniste

Le défi est de trouver l’équilibre entre un message de santé publique qui nous renseigne sur la qualité nutritionnelle des aliments et le souci de ne pas diaboliser les aliments, souligne le nutritionniste.

Par exemple, la viande hachée crue fait partie des aliments qui ne sont pas concernés par les nouvelles étiquettes. « On a tellement insisté sur les conséquences liées à la consommation de viande rouge que bien des gens ont l’impression que c’est un aliment qui n’est pas bon pour la santé, remarque Bernard Lavallée. La réalité, c’est que la viande rouge est un aliment qui est nutritif. On en consomme certainement trop dans notre société, mais ça reste un aliment très peu transformé. »

Les Producteurs de bovins du Québec accueillent cette décision avec soulagement, notant que la viande crue, qu’elle soit coupée ou hachée, demeure le même aliment.

Attention à la culture des diètes

Stéphanie Côté, nutritionniste, voit dans cette initiative un point de départ qui permet d’indiquer quels aliments, lorsqu’ils sont consommés à l’excès, peuvent comporter des risques pour la santé. « Il y a cependant une question de nuance en alimentation qui ne peut pas être expliquée avec un simple logo sur l’emballage, estime-t-elle. Je ne sais pas si ce nouvel étiquetage va réellement rendre service à tout le monde. » Elle souligne notamment qu’il est possible que l’ajout de cette étiquette alimente une certaine culpabilité chez les personnes qui sont préoccupées par leur alimentation.

Avec la culture des diètes, pour des personnes qui surveillent déjà ce qu’elles mangent et qui ont de la misère à considérer que tous les aliments peuvent être permis dans l’alimentation, se faire dire que tel aliment est trop gras, trop sucré, trop salé, ça n’aidera pas.

Stéphanie Côté, nutritionniste

Avec l’ajout de ce symbole, la nutritionniste craint que ces personnes, qui gagneraient à être un peu plus indulgentes envers elles-mêmes sur le plan de l’alimentation, se butent à un obstacle coercitif supplémentaire.

Selon elle, Santé Canada devra miser sur l’éducation et la sensibilisation pour assurer la réussite de ce projet.

Possible contournement de l’industrie

Face à cette nouvelle directive, les acteurs de l’industrie agroalimentaire devront forcément se repositionner, croit le représentant de la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada, Kevin Bilodeau. Il prévoit qu’ils seront portés à diminuer légèrement la teneur de ces produits pour ne pas franchir le seuil de 15 % qui détermine l’apposition de l’étiquette. « Déjà là, c’est une bonne nouvelle », déclare-t-il en rappelant qu’à force d’ingérer des produits riches en graisses saturées, en sucre ou en sodium, les consommateurs sont plus à risque de développer des maladies chroniques.

Cette nouvelle mesure soulève toutefois une question importante, selon Bernard Lavallée. Sachant que les aliments naturels sont meilleurs pour la santé, il redoute que l’industrie, en reformulant les produits afin de leur éviter d’avoir à porter l’étiquette, propose toujours des aliments ultratransformés en utilisant des substituts qui sont liés aux mêmes problèmes de santé. « Je me demande si l’industrie ne va pas jouer avec ces composantes-là pour que certains produits transformés aient finalement l’air meilleurs qu’ils ne le sont réellement. »

En savoir plus
  • Près de 60 %
    Apport calorique des aliments ultratransformés dans l’alimentation des enfants de 9 à 13 ans
    Source : Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada